L'église de Chicheboville

L'église Saint Martin

Si la toute première église de Chicheboville se situe derrière la ferme Van Der Stichèle, sur le chemin du haut, il est certain que son emplacement s’est rapproché du château qui existait au Moyen-Âge. Deux pierres sculptées et un plan attestent qu’elle a été initialement élevée au XIème ou XIIème siècle contre la face est du clocher actuel. Elle fut remaniée et agrandie à différentes époques et surtout au XIXème siècle où elle prit son aspect néogothique. Elle reste un lieu spirituel important pour les habitants qui y ont laissé leurs marques. Son histoire reste indissociable de celle des prêtres et du presbytère.

carte postale de l’église de Chicheboville, première partie du XXème siècle

L'église aujourd'hui

Seul le mur le long de la rue du Bourg-Neuf a disparu et il semble y avoir moins d’arbres dans le cimetière.
L’église de Chicheboville est sous l’invocation de saint Martin. Au XVIIIème siècle, le patronage s’exerce alternativement par deux laïcs, cohéritiers de la seigneurie. Le curé perçoit la plus grande partie des dîmes dont un trait* seulement appartient à l’abbaye de Vignats, près de Falaise.

* Le trait de dîme est une seconde dîme que le seigneur décimateur a droit de prendre sur les gerbes de paille après le battage des grains.

L'église romane disparue

Elle est du Xème ou du tout début XIème siècle. Cette datation s’explique par le fait qu’à l’origine, elle ne possède pas de contreforts ; ils sont ajoutés en même temps que la construction du clocher. Vraisemblablement, l’église ressemble à une grange à peu près carrée, mesurant intérieurement quatre à cinq mètres de côté. Elle possède des modillons sous le larmier* comme le chœur de l’église de Béneauville. A cette époque dans les campagnes, la toiture est de chaume. Les fenêtres, très étroites, se terminent en demi-cercle et s’évasent vers l’intérieur. La nef ne doit pas avoir de voûte, la charpente restant visible. De cette église, il ne subsiste aujourd’hui qu’un modillon et une statuette mutilée, utilisés en réemploi

* Larmier : partie saillante transversale basse de la charpente.

Deux éléments extérieurs prouvent l’existence d’une ancienne église :

Ce modillon représente une tête dont la bouche est maintenue grande ouverte  par deux mains. La statuette mutilée est insérée dans le mur de la grange, face à l’église, peut-être une vierge à l’enfant ?

Cette toute petite église est agrandie, au XIIIème ou XIVème siècle, par l’adjonction du clocher. A cette occasion, on change l’orientation de l’église. L’autel, normalement à l’est, est placé sous le clocher, à l’ouest.

Le clocher

Clocher des XIIIème – XIVème siècles, remanié au XVème et XIXème siècles.

Bel escalier à vis sur montant central prouvant l’ancienneté du clocher.

L'église néogothique

Au XVème siècle, les fenêtres ogivales du clocher sont percées. Au XVIème ou XVIIème siècle, l’église est allongée. On ajoute un bâtiment carré de l’autre côté du clocher en prenant la plus grande largeur de celui-ci comme base ce qui donne à peu près sept mètres intérieurs. On revient à une orientation vers l’est pour l’autel, car aucune crédence n’apparaît dans le mur et c’est la partie ancienne de l’église que l’on détruit par la suite.

Cette date de 1630 inscrite sur le clocher, pose problème. Elle est postérieure à la construction du clocher. Est-ce une date de réfection, de la percée des fenêtres ogivales ou de la construction de la nouvelle nef ?

Les pignons débordent largement en hauteur du toit car, à l’origine, l’église est couverte de chaume, remplacé plus tard par de la tuile.

Gestion des biens religieux entre la commune et la paroisse

Avant la Révolution, il n’y a pas de conseil municipal. Le dimanche, lors de l’office, le curé annonce la réunion de l’Assemblée du commun : le curé, les paroissiens les plus imposés et parfois, si son avis est nécessaire, le seigneur du lieu. On y décide la répartition des impôts communaux, l’entretien ou l’embellissement de l’église. Un trésorier, qui doit rendre des comptes, est nommé pour gérer les biens de l’église. Dans les paroisses rurales, les avoirs consistent surtout dans le revenu de terres qui leur sont léguées. Occasionnellement, on met aux enchères quelques arbres lorsqu’on a besoin de liquidités pour effectuer des travaux d’entretien. Après la Révolution, les Conseils municipaux nouvellement créés gèrent les biens de la commune. Les églises, en tant qu’immeubles, deviennent patrimoine communal et la commune veille à leur entretien. Le prêtre et les paroissiens ne sont que des utilisateurs des lieux. A partir de 1805, la « Fabrique » est officiellement instituée dans chaque paroisse. Elle est chargée d’assurer, en lien avec le prêtre, président de droit, la gestion des revenus de la paroisse. N’ayant plus de biens immobiliers, les Fabriques se contentent des dons, legs et éventuellement de la location des bancs de l’église.

 

A la fin du XIXème siècle, dans le climat de laïcisation, la Fabrique de Chicheboville rentre en conflit avec les autorités. En 1882, la mairie revendique la propriété du bois du cimetière de l’église de Béneauville. La Fabrique proteste mais elle est déboutée à deux reprises. En 1905, avec la loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat, le préfet donne ordre de faire l’inventaire du mobilier de l’église. Le Conseil de fabrique « attendu qu’il n’y a aucun objet d’art, considère cette mise en demeure comme illégale et refuse de s’y soumettre* ». La Fabrique obtient du soutien : Madame veuve Léonard, mère du prêtre, « pour éviter que son droit sur certains meubles, ou objets mobiliers qu’elle a prêté à l’église, ne puisse être lésé, reconnaît qu’elle a prêté pour la beauté des fêtes : un harmonium sorti des ateliers de Mr Richard et Cie à Etrepagny ayant 8 jeux ½ , un ornement en drap d’or et ses accessoires pour le prêtre à l’autel, une aube en tulle, un calice et sa patène** ».

Finalement, la Fabrique se livre, bon gré mal gré, à l’inventaire réclamé sur ses biens. Elle disparaît la même année : « La Fabrique de l’église de Chicheboville, d’après la loi du 9 décembre 1905, va cesser d’exister légalement au 12 décembre. La fabrique décide que conformément à l’Encyclique Acerbo Novis du pape, elle condamne la loi de séparation comme schismatique et spoliatrice des biens de l’Eglise et elle défend la dévolution de ses biens*** ».

* Archives de la Fabrique, deuxième registre.

** Idem.

*** Idem.

Au XIXème siècle : la grande rénovation

En 1809, l’état de la toiture de l’église nécessite qu’elle soit refaite à neuf. Le 1er janvier 1817, le Conseil de Fabrique répond à une demande de l’évêque : « L’église n’a point de calice (celui dont on se sert appartient à M. le curé). Le ciboire est d’étain. L’ostensoir ne peut servir. Il n’y a de livres que le Missel, le Rituel et quelques mauvais processionnaires. L’église est dénuée de linge* ». Le 5 août 1817, l’abbé Moisson, en charge de la cure de Chicheboville, décrit l’église dans un grand état de délabrement: «L’église exige des réparations absolument indispensables. Dans l’intérieur, les murs dépouillés de leur enduit, tomberont bientôt en ruine, les lambris usés se détachent par pièces au risque de blesser les assistants. En un mot, cette église démunie de tout et la plus pauvre du département, se trouve dans un état de délabrement tel qu’elle n’offre presque plus rien qui convienne à la maison de Dieu. Les cimetières, dont les murs sont totalement détruits, est ouvert de toutes parts et foulé sans cesse par les bestiaux du village** ».

Malheureusement, le Conseil de Fabrique ne possède aucun revenu en dehors de la quête lors des offices et cela ne suffit même pas à payer les dépenses courantes. Il ne peut pas faire payer un droit de place sur les bancs car : « il n’y avait dans notre église que quelques misérables bancelles sur lesquelles on a souvent éprouvé qu’il y avait danger à s’asseoir*** ». Au printemps 1817, l’église de Béneauville est profanée par des voleurs. L’évêque décide donc de réunir d’office la paroisse de Béneauville à celle de Chicheboville. C’est officiel le 27 décembre 1820 pour le culte puis le 15 février 1825, administrativement. En ces circonstances, l’église de Chicheboville se révèle trop petite.

* Archives de la Fabrique, deuxième registre.

** Idem.

*** Idem.

Détail des stalles

En 1837, Jean-Baptiste Gougeon, curé, fait fabriquer une vingtaine de bancs et des stalles qu’il réserve aux chantres : ceux qui chantent lors de l’office. Plus tard, les membres de la fabrique y siègent. C’est probablement à cause de cette tradition que, après la Seconde Guerre mondiale, seuls les hommes prennent encore place dans les stalles.

En 1840, il est dit que l’église est très sombre. A l’occasion de réparations du mur, on agrandit les fenêtres dans le style du chœur de l’époque. Il s’agit des baies, aujourd’hui bouchées, en plein cintre dont on voit encore les traces.

Traces d’anciennes fenêtres côté nord, la même est visible côté sud.

En 1841, l’arrivée de l’abbé Delarue est à l’origine d’un projet de rénovation grandiose pour l’époque étant donné le manque de moyens financiers de la commune. Le 24 octobre 1842, Maître Vérolles, architecte à Caen, présente un projet global où seule la nef, encore en bon état, et le clocher sont conservés. Une condition, la construction doit être exécutée dans les huit mois qui suivent l’homologation par les autorités : préfecture et évêché. Le 27 novembre 1843, Louis Philippe, roi de France, donne son accord pour que la commune de Chicheboville s’impose extraordinairement afin de couvrir les frais d’agrandissement de l’église. Le projet reste un certain temps en attente, faute de moyens probablement.

Le premier dimanche de janvier 1846, Madame de Mathan, propriétaire du château de Chicheboville, propose de prendre à sa charge la construction de deux chapelles, sous réserve de garder la jouissance personnelle de la chapelle nord, pour elle et sa famille. Dans la réalité, Madame Louvel, vicomtesse de Monceaux, qui possède le château de Béneauville, participe aussi puisque c’est elle qui règle la facture le 26 mars 1846. C’est probablement pourquoi ces chapelles sont traditionnellement occupées par les descendants respectifs de ces familles. Elles ne sont jamais utilisées pour la messe car elles ne possèdent pas de pierres consacrées, malgré une demande de l’évêque.

En 1846, l’ancien chœur (celui du côté est) est détruit et quelques matériaux récupérés pour la nouvelle construction : le bois de charpente sert pour les combles, l’ancien dallage pour la sacristie, l’autel est réparé. Ce nouveau chœur est orienté vers l’ouest. La partie décorative du gable derrière l’autel, n’est que partiellement retenue mais on décide d’exécuter le haut de l’arcade et son vitrage. On construit cependant la voûte néogothique du chœur, les rosaces des chapelles ainsi que le trèfle de l’arc du clocher.

 En 1854-1855, la commune ajoute la réfection de la toiture de la nef et remplace l’ancien plafond plat, en bois par une voûte d’ogive lattée, de bois aussi, mais plâtrée.

La nef actuelle vue de la tribune

Carte postale de l’église, première partie du XXème siècle

Avant la Seconde Guerre, l’église possède un beau lustre en cristal, semblable à ceux que l’on fabrique à Murano. Cependant, il manque déjà celui de gauche.

La cloche, aujourd’hui

En  1855, la cloche est cassée, les paroissiens ne peuvent plus être appelés aux offices, ni être réunis promptement en cas de sinistre. Elle est remplacée par une de 500 kg. Béneauville étant rattaché à Chicheboville, il faut l’entendre à deux kilomètres !

Le 14 octobre 1855, à l’issue d’une grande messe, elle est baptisée Louise Antoinette Sidonie Mathilde Elisabeth. Elle a pour parrain M. Louis Charles Robert Malet, marquis de Graville et pour marraine Mme Antoinette Mesnage de Cagny, baronne Hue de Mathan.

L’ostensoir

Les parrains offrent à la paroisse un ostensoir vermeil de 70 cm de hauteur, un ciboire en argent, une coupe vermeillée de 27 cm ainsi que 7,5 mètres de batiste : une toile très fine en lin, qui sert à fabriquer une nappe d’autel. Ils distribuent également 100 francs pour les pauvres de la paroisse. L’ostensoir est dans le style XIXème siècle : ostentatoire à une époque où l’Eglise, après les déboires de la Révolution, se veut de nouveau toute puissante.

Les quatre évangélistes

Les quatre Evangélistes

En 1861, la Fabrique et le curé décident de créer, dans le mur plat derrière l’autel, des ogives pour y loger des statues. C’est un gros sujet d’inquiétude pour la municipalité qui craint pour la solidité du mur et qui rend le curé responsable en cas d’incident Finalement, en 1875, le Conseil de Fabrique, aidé par M. Harel, successeur de la famille de Mathan, achète les statues des quatre évangélistes. D’après une tradition orale, celles-ci auraient été sculptées directement dans l’église.

Ces gros travaux de maçonnerie endommagent le pavage de pierre qui est refait en 1882. Le 4 mai 1894, l’abbé Delarue décède ; il laisse un testament qui donne à la cure la propriété du pré situé derrière le jardin du presbytère qu’il a acquis de ses deniers. L’abbé Léonard lui succède le 15 janvier 1895. Nouveau curé, nouveaux projets.

Cette carte postale, probablement des années trente, représente l’église telle qu’elle existait avant la dernière guerre. Les anges, au-dessus des portes de la sacristie, sont en plâtre et ont été ôtés juste après le conflit. Les vitraux ne correspondent pas à ceux qui existent actuellement. Ils ont été cassés par les bombardements puis refaits. Le drapeau à gauche est celui de la guerre 1914-1918.

 Dès 1896, la voûte de la nef est de nouveau dégradée. Elle est refaite de forme ogivale mais avec des piliers supportant des arcades. En même temps, tout est déménagé : bancs, chaire et stalles. L’abbé Léonard laisse, dans le dossier de la Fabrique, un certificat devant témoins, par lequel il emporte, dans son presbytère, les reliques de saint Martin et de sainte Anne. Les travaux se terminent au début de l’année 1898.

Reliquaire de sainte Anne

Reliquaire de sainte Anne et détail : un morceau d’os ?

Construite en 1845, la sacristie est allongée vers 1902-1903. L’église est donc entièrement rénovée. Durant un siècle, la commune ne s’occupe que de l’entretien. Malheureusement, aujourd’hui, le clocher se lézarde et présente de sérieux signes de vétusté.

Évolution de l'église de Chicheboville à travers les siècles

1840 : percement de deux fenêtres en plein cintre.

1845 : destruction de l’ancien chœur et construction du nouveau chœur à l’opposé ainsi que des chapelles et de la rosace du chœur, le tout avec des arcs néogothiques. Une petite sacristie est comprise dans les travaux.

1862 : construction des niches pour les statues des évangélistes.

1897 : aménagement de la nef, en style néogothique, avec piliers, comme le chœur.

1900 : construction de la sacristie actuelle.

La mobilier intérieur de l'église

Outre les quatre évangélistes, l’église possède d’autres statues de pierre.

La Vierge de la chapelle nord

A partir du XVIIème siècle, la statue en pierre, grandeur nature, de la Vierge présentant l’Enfant est en vogue : « celle de Chicheboville est au-dessus de toutes. La Vierge est pleine de grâce, franchement adorable : ses traits sont très fins, sa chevelure et sa coiffure heureusement disposées. Elle a été peinte en marbre blanc, mais, loin de nuire, cette peinture ajoute à la douceur de l’expression ». Une tradition orale apprend que la jeune fille des commanditaires : Louise de Mathan aurait servi de modèle.

On trouve également deux autres statues en pierre, grandeur nature, l’une de saint Pierre, l’autre de saint Martin, ce dernier en évêque, l’une et l’autre regardant le ciel.

La chaire

La chaire n’apparut dans les églises qu’après le Concile de Trente (milieu du XVIème siècle). Elle fut créée pour faire comprendre aux fidèles, que le prêtre est l’intermédiaire entre Dieu et les hommes. Pour y parvenir, on suréleva celui-ci de façon matérielle pour le situer entre le ciel et le peuple.

Un calice qui a une belle histoire

Ce calice est donné à la paroisse de Chicheboville par le chanoine Ducellier, archiprêtre de la cathédrale de Lisieux, premier confesseur de sainte Thérèse. L’abbé Ducellier est né à Chicheboville et les paroissiens le lui ont offert pour sa première messe. Vers 1917, par testament, il le restitue à la paroisse. Sur son pied sont représentées des scènes de la Passion du Christ en émail de Limoges.

Christ en bois du XVIIIème siècle

Depuis le XIème siècle, le Christ est représenté « en majesté » c’est à dire de face, souvent assis sur un trône comme un roi et vivant. Au XIXème siècle, avec le mouvement romantique, sa figuration change. Il est mis en croix, le corps affaissé, la tête penchée et les paupières baissées. Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, l’église en possède deux : l’un placé face à la chaire et l’autre suspendu à la voûte.

Fonts baptismaux du XVIIIème siècle de style Louis XVI

Les vitraux

La rosace du chœur met en relief le chrisme du Christ : XP. Le chrisme est un symbole chrétien formé des deux lettres grecques Χ (ki) et Ρ (rho), la première apposée sur la seconde. Il s’agit des deux premières lettres du mot Χριστός (Christ en grec). On le lit parfois comme le monogramme du Christ et on le trouve souvent accompagné des lettres α (alpha) et ω (oméga), symbolisant le commencement et la fin de tout. Ici, le P est placé sur le X et non au dessous.

Vitraux des deux chapelles

Les vitraux des chapelles sont pensés en rapport avec les statues des évangélistes du chœur et de leurs symboles. Le tétramorphe, ou quatre vivants, représente les quatre animaux ailés tirant le char de la vision d’Ezéchiel. On les retrouve dans l’Apocalypse de Jean. Les Pères de l’Eglise en ont fait les emblèmes des quatre évangélistes :

  • Le taureau pour Luc car aux premiers versets de son évangile, il fait allusion à Zacharie qui offre un sacrifice à Dieu, or dans le bestiaire traditionnel le bœuf est signe de sacrifice.
  • Le lion pour Marc car les premières lignes de son évangile commence par : une voix rugit dans le désert.
  • L’aigle pour Jean car son évangile commence par le mystère céleste.
  • L’homme pour Mathieu car son évangile débute par la généalogie humaine de Jésus.
Les graffitis du clocher

En montant dans l’escalier de la tour, on rencontre de nombreux graffitis, traces laissées par les Chichebovillais. Ainsi, sur le linteau de la porte : « Adam 1897 a fait la tribune », ce que confirment les registres de la Fabrique. On distingue des messages d’amour, des dates avec des signatures mais aussi des dessins : fantômes, poisson, batailles d’indiens…

Le cimetière

Après la Révolution, le cimetière de Chicheboville est à l’abandon. Il est planté de pommiers comme c’est la coutume en Normandie. La vente des pommes est destinée à créer des revenus pour les frais du culte ou à indemniser le fossoyeur. En 1839, le jour de la Quasimodo (premier dimanche après Pâques), les pommiers sont coupés par décision du Conseil de Fabrique. A la fin du XXème siècle, le cimetière se révèle trop petit par rapport au nombre d’habitants. En 1889, il est agrandi grâce au don de Monsieur Harel qui propose que l’on prenne une bande de terre sur son champ voisin.

La croix hosannière

La croix hosannière du cimetière daterait du XVIIIème siècle mais nous ne possédons aucun document prouvant cette datation.

La plus vieille tombe, encore lisible à ce jour, est celle de Prosper Delasalle décédé le 22 octobre 1862.

Fragments de pierres tombales réutilisés pour les murs du cimetière

Carte postale des années 50 : l’église de Chicheboville au milieu de son cimetière, à gauche la ferme Van der Stichèle, au fond le Bourg-Neuf

L'église Sainte Anne

Eglise Sainte Anne

XIIe siècle

calcaire

Le choeur date de l’époque romane.

Le chevet comporte des ouvertures en plein cintre.

Arcatures

Le mur du sud de l’église romane est orné d’arcatures dont certaines sont en plein cintre et d’autres de forme ogivale.
Ces dernières sont liées à la présence d’une porte dans la travée qui a obligé à rétrécir les deux arcades voisines.

Autel

Première moitié du XVIIIe siècle

Bois peint et doré

Ce maître-autel présente une grande unité. L’antependium représente l’Assomption dans un cadre rocaille.
Le tabernacle, finement sculpté, est orné d’un agneau couché qui symbolise le sacrifice du Christ.

Retable

XVIIIème siècle

Bois et pierre

Ce retable tripartite comprend une grande toile cintrée de l’Annonciation encadrée par des pilastres corinthiens.
La corniche arrondie est ornée d’une gloire, et surmontée de pots à feu et d’une croix autour de laquelle s’enroule un serpent. Les portes qui mènent à la sacristie sont ornées de toiles représentant saint Eutrope et l’Education de la Vierge.

Les vitraux

XVIIIe siècle

Verre

Chaque vitrail de Moult comporte à la fois des pièces peintes pour la fresque du pourtour et des pièces gravées pour le motif central.
Les pièces peintes sont utilisées spécialement pour les personnages.
Les pièces gravées sont obtenues à partir de verre « rouge » ou « bleu » plaqué.
Le verrier « cueilleur » muni de sa longue canne choisit l’émail bleu ou rouge dans le verre en fusion, le façonne et le plonge dans une autre boule de verre blanc ou jaune puis « le souffleur » par son geste et son expérience permet à l’émail de se plaquer sur le verre.
La pièce est ensuite couverte d’un voile protecteur incisé au cutter pour reproduire le dessin puis plongée dans l’acide fluorhydrique qui ronge l’émail.
Après peinture et cuisson, le vitrail apparaît dans son inaltérable beauté.
D’autres techniques sont utilisées telles que la grisaille.
Sur le verre est appliquée une poudre d’oxyde de fer mélangée à de la gomme arabique et délayée au vinaigre de vin.
En premier lieu est dessiné le trait qui passe à la cuisson puis l’ombre est modelée avant de passer de nouveau au four.
L’or des auréoles d’anges ou de saints est obtenu par l’application d’oxyde d’argent sur l’envers de la pièce comme déjà le pratiquaient les compagnons bâtisseurs de cathédrales. Même la coupe du verre a peu évolué au cours des siècles. Au Moyen Age, chaque morceau était marqué au fer rouge puis coupé au grugeoir mais depuis la Renaissance, la taille se pratique au diamant.
Extrait du « Patrimoine des Communes du Calvados » FLOHIC Editions

L'orgue

L’église de Moult comporte un orgue dont l’histoire est inconnue.
Dans son état actuel, il comporte un clavier manuel de 54 notes et 9 jeux dont 4 sont coupés en basses et dessus.
Le pédalier qui devait posséder 13 touches a disparu.
Les tuyaux sont faits de bois peint pour imiter l’étain. L’analyse du buffet et des parties mécaniques permet de supposer que cet instrument, construit pour un autre édifice, a été amené et monté en l’église de Moult pour la suite.
Il a été installé sur une tribune qui existait probablement déjà auparavant. Cette tribune a été édifiée à cet effet avec des matériaux anciens récupérérs des 17° et 18° siècles.
Selon les experts de la commission nationale des monuments historiques, l’orgue est soit d’une facture du 18° siècle soit d’un travail plus récent.
Les caractéristiques du clavier laissent entrevoir qu’il provient d’une paroisse riche ou noble (hôtel particulier). Les touches blanches sont en ivoire. Le mécanisme d’horloge, totalement mécanique, est en parfait état.
La balustrade du corps de tribune est à « traits de Jupiter ». Le buffet est en sapin. Le métal très épais des tuyaux fait apparaître pour un tuyau d’anche de dessus, clairon ou trompette, la mention suivante: « L’an 1860, j’ai été fact (sic) par Langlois facteur d’orgues à Bonnebos (sic) e (sic) plcé (sic) par Mr C. Auvraye Dt de Moult (sic) ».
La commission nationale des monuments historiques a rendu le 12 juin 2008 un avis favorable à l’inscription de l’orgue au titre des monuments historiques, ce qui fut décidé par arrêté de M. le Préfet du Calvados en date du 28 novembre 2008.

La chapelle de Béneauville

La chapelle

Les premières références au site religieux de Béneauville datent du XIème siècle. Aujourd’hui, seule la chapelle, son cimetière, le calvaire et l’ancien presbytère témoignent de cette importante présence religieuse. Mélange de roman et des prémices du gothique, la chapelle est remarquable par ses modillons et, intérieurement, par son magnifique retable.

Une église romane

Vers 1060-1080, l’abbaye de Troarn acquiert une propriété à Béneauville, nommée : « le fief de Trouart » (Troarn). Le bien est d’importance et l’abbaye décide de l’exploiter elle-même. Elle y crée un moustier : une communauté de religieux. Dans la pratique, ce monastère est une grande ferme exploitée par quelques religieux aidés de clercs non tonsurés. On suppose que ce sont les moines qui construisent le chœur de l’église pour leurs offices liturgiques. Il est alors d’usage que les religieux soient séparés des fidèles et officient dans cette partie réservée.

L’église est placée sous le vocable de Notre-Dame et possède, à une certaine période, un autel dédié à Saint-Clair. Ensuite, deux autres autels sont dédiés l’un à Jeanne d’Arc et l’autre à Saint-François, élevé en remerciement de la naissance de François d’Andigné.

De l’extérieur, certains éléments de la nef attestent l’époque romane : les fenêtres étroites, les contreforts plats avec un léger ressaut, le bandeau semi encastré. Le chœur lui, présente des modillons, un bandeau chanfreiné et des contreforts plus épais.

Les modillons

Les modillons du Moyen Âge représentent, sous forme souvent caricaturale, des scènes de la vie de tous les jours. Elles évoquent librement le monde extérieur, souvent des animaux, des têtes grotesques, des mini-scènes familières, parfois des scènes érotiques ou tout simplement des éléments géométriques. Les sculpteurs sont totalement libres du choix de leurs sujets.

A Béneauville, unis par des arcatures, ils figurent une série de têtes, nues ou avec capuche : peut-être les moines représentés avec leurs caractéristiques : barbe, cheveux longs, moustaches, chauve, imberbe, à la tête inclinée, gros yeux ou bouche avec dents…

Les chapiteaux

A l’intérieur, les fenêtres romanes du chœur sont de facture plus soignée que celles de la nef et possèdent une moulure.

La base carrée, les moulures et les chapiteaux historiés des piliers attestent la deuxième moitié du XIème siècle.

L’un des chapiteaux représente le martyr de sainte Blandine. On distingue la jeune fille, le lion chargé de la dévorer et à coté, l’évêque Pothin de Lyon qui subit le même supplice.

Sur d’autres, on aperçoit les vignes comme celles qui poussaient à Argences, preuve qu’au XIème siècle la vigne est connue dans notre région.

Une voûte protogothique

Au XIIème siècle, on transforme l’arcade et on crée la voûte du chœur. Intérieurement, l’arcade de séparation entre nef et chœur présente deux périodes d’exécution. En effet, si les piliers ont une base et un chapiteau de type roman, l’arcade, elle, semble de la toute première période gothique. Curieusement, l’arc est irrégulier ; l’arcade romane semble avoir été remaniée en ogive. Côté nef, on trouve de façon successive et non superposée : damier, billettes (petites billes de bois), besants (pièce de monnaie de l’époque), scie. Les motifs sont identiques à ceux de l’abbaye de Jumièges élevée entre 1040 et 1067. Côté chœur, on trouve une voûte sur croisées d’ogives simplement moulurées comme celles de la fin du roman. L’ogive intermédiaire du choeur présente un décor de feuilles plates, caractéristique du « gothique primitif » des années 1150-1160, appelé aussi protogothique.

Au XIIIème siècle, des travaux sont entrepris dans la nef et un clocher est créé. La charpente  est en forme de coque de bateau retournée : en « carène de vaisseau ». Il manque une poutre transversale, au haut de la nef, qui correspond à l’emplacement de l’ancien clocher de charpente, dont la destruction est décidée en 1698. Ce retrait de poutre est l’occasion d’une réfection du haut des murs dont les « dents de scie » attestent le XIIIème siècle. Pour faire un ensemble homogène, les fenêtres romanes sont retaillées « en lancettes ». Plus tard, pour donner de la lumière et lutter contre le froid, le fenestrage sud est agrandi. L’Eglise y ajoute une raison mystique : le soleil, symbole du Christ et de l’Evangile, doit éclairer nos consciences.

Les rénovations ultérieures

A la fin du XVIIème siècle, le clocher de colombage présente depuis longtemps des signes manifestes de vétusté alors qu’il a déjà été consolidé. On construit alors le petit clocher actuel dit « clocher pignon » en bout de nef, un campanile à jour établi au haut du gable occidental.

Le porche et son fronton triangulaire classique sont probablement exécutés en même temps que le clocher car ils reprennent le même style. On distingue les traces des trois fenêtres romanes retaillées au XIIIème siècle et finalement obturées.

En 1793, la révolution ordonne que les cloches (sauf une) soient portées au disctrict. Est-elle rendue ou la paroisse en rachète-t-elle une car en 1923, la mairie fait un constat : les cloches de Béneauville sont fêlées toutes les deux. La fonderie Havard propose de reprendre les deux anciennes cloches au prix de 6,5 francs le kilo ce qui permet de fondre une nouvelle cloche sans rien débourser. En 1924, Mademoiselle Normand et Madame Lermat en sont les marraines. A cette occasion, cette dernière donne une réception à Navarre. La même année la toiture est réparée. En 1956, avec la modernisation, on prend la décision d’électrifier la chapelle ; auparavant, les cérémonies du soir se faisaient avec des cierges pour tout éclairage.

Dans les années soixante-dix, à l’occasion de travaux sur la toiture, au dessus d’un faux plafond en sapin plâtré, l’abbé Leclercq remarque la charpente en carène de vaisseau et décide de la mettre en valeur. Ayant l’accord de la mairie pour budgéter les travaux, il organise des kermesses. Monsieur Delasalle, artisan, aidé du prêtre en personne et de quelques habitants, ôtent le vieux plafond plâtré et ajustent une à une les deux milles planchettes de châtaignier qui s’encastrent entre les solives de chêne pour cacher les tuiles tout en laissant voir la voûte

En six semaines, ces morceaux de voliges sont posés contre les tuiles du toit, chacune devant être découpée sur place pour rattraper le faux équerrage des solives. On procède également au ponçage des petits motifs, des dalles. Les pierres sont remises à nu pour redonner tout son éclat à l’ogive en arc brisé, les murs sont blanchis en laissant apparents les blasons. Le tout est doté d’un éclairage qui met en valeur l’ensemble.

Un intérieur remarquable

Au plafond, de part et d’autre de l’autel, quatre taches noires signalent les ouvertures de vases en grès orientés vers le centre du chœur. Ce sont les orifices de vases acoustiques destinés à renvoyer et amplifier les ondes sonores. Cela permet au prêtre d’être mieux entendu par les fidèles. Ils datent vraisemblablement du XIIIème siècle car la voûte n’a jamais été refaite depuis cette période.

Au XVIIIème siècle, pour donner à l’église un peu plus de lumière, comme c’est la mode du moment, on agrandit quelques fenêtres au sud et on blanchit les murs. Le 12 août 1742, on décide de construire un nouvel autel, décalé par rapport au fond de l’église, laissant ainsi un espace pour aménager une sacristie. Le précédent était appuyé sur la paroi du mur, comme c’était l’usage. Son choix est laissé au libre arbitre du curé mais son coût ne doit pas dépasser trois années de revenus de la paroisse sinon le supplément reste à la charge du curé. Les paroissiens veulent bien faire plaisir au prêtre en lui offrant un autel neuf dans le goût de l’époque mais qu’il n’ait pas des idées de luxe trop poussées !

Le retable de Béneauville reprend l’architecture des arcs de triomphes romains. Il est formé de deux pilastres corinthiens : colonnes avec chapiteaux à petites volutes, soutenant une corniche arrondie. Tous les tableaux qui le composent sont exécutés sur place, à la commande. La toile centrale dédiée à l’immaculée conception date du XIXème siècle. De chaque coté, les portes de la sacristie sont ornées de frontons aux formes tourmentées avec des coquilles et des rinceaux surmontés de pots à feu : décoration en forme de vase enflammé. Le retable possède un tabernacle en bois sculpté de style Louis XV avec une partie supérieure de style Renaissance encadrant un Christ en croix, d’ivoire, dit « janséniste » car il a les bras tendus vers le ciel et non pas horizontaux comme de coutume.

L’antependium : tableau décorant la partie basse de l’autel, possède un double identique dans l’église de Moult. La toile est ornée de rinceaux et d’un médaillon au cadre rocaille représentant la nativité.

Détail de la litre :

Une litre est une large bande noire que les seigneurs font peindre dans les églises en l’honneur des morts de leur famille. Exécutée à la demande de Louis de Fribois, elle porte uniquement ses armoiries répétées en deux formats à des intervalles réguliers. Les seigneurs marquent ainsi leur patronage.

Comme dans la plupart des églises anciennes, le sol possède plusieurs pierres tombales dont, malheureusement la lecture est impossible. Les registres paroissiaux nous indiquent que, dans le chœur, on inhume généralement les prêtres et les seigneurs « patrons » de l’église. Les autres sont enterrés dans la nef et les pauvres dans le cimetière.

Aujourd’hui, la chapelle est pratiquement entièrement restaurée. Pour suivre l’évolution des travaux et découvrir cette restauration, nous vous invitons à acheter , au prix de 10€, le livret édité par l’association, vendu en mairie. Le produit de cette vente permettra de terminer la restauration.

Le château de Béneauville

Seul témoin

Aujourd’hui, le château de Béneauville est le seul témoin de cette époque où les seigneurs dominaient les villages. Son architecture, mélange de style renaissance et classique, en fait un des joyaux de la commune.

Au milieu du XVIème siècle, Charles Le Bourgeois, avocat à Caen, seigneur de Béneauville, épouse Marie de Vimont dont le père est lieutenant général de la vicomté de Caen. Charles reprend l’office de son beau-père, charge très importante et vraisemblablement lucrative car elle lui permet au début du XVIIème s de construire l’actuel château, jamais remanié depuis.

Le plan de cette demeure a la forme d’un T. Les toitures et leurs épis de faîtage en plomb sont classés à l’inventaire des monuments historiques. Les épis sont destinés à consolider, par leur poids, l’arrête faîtière et à annoncer visuellement la demeure seigneuriale. Ils ont la forme de vases aux anses frêles, empanachés de délicats bouquets. En réalité, ils sont très grands puisqu’ils mesurent presque deux mètres de haut.

Les deux toitures très élevées et ostentatoires, à pans coupés sont de style Henri IV cependant la demeure est déjà très proche du style Louis XIII, qui commence à se dessiner vers 1600, et annonce le classicisme. Il est caractérisé par les fenêtres surmontées de frontons courbes ainsi que par les hautes cheminées sculptées. L’ensemble est construit sans souci de symétrie mais présente cependant une certaine unité due à ses façades enduites avec chaînages horizontaux. La verticalité est donnée par la superposition des fenêtres. L’originalité de cette partie lui vient de la succession des lucarnes et des pignons qui surmontent les hautes fenêtres de l’étage en échancrant la base de la toiture.

Dès le XVIIème siècle, le château et la ferme attenante existent ensemble.

Les deux côtés de la cour intérieure sont limités par des dépendances. Il s’agit de bâtiments bas couverts de vieilles tuiles et agrémentés de jolies petites lucarnes de pierre. A l’est et au nord du château s’étend un vaste parc peuplé d’arbres séculaires.

Sous l’Ancien Régime, posséder un colombier à pied est un droit seigneurial et l’importance du seigneur dépend de la taille de celui-ci. Le seigneur, sa famille et ses gens d’armes apprécient la chair fraîche et tendre des pigeonneaux à une époque où on consomme beaucoup de viande salée ou fumée. Son exposition idéale est au levant, à l’abri des vents dominants et la forme ronde permet l’utilisation d’une échelle mobile permettant d’accéder aux œufs ou aux pigeonneaux.

Seuls les murs, malheureusement décoiffés subsistent. Il compte plus de mille boulins : trous où pondent les pigeons. Malheureusement, il est découvert durant la guerre de 1914-1918 pour employer les tuiles sur la toiture de la ferme voisine. Le sommet était coiffé d’un épi orné d’un pigeon reposé depuis à l’extrémité du pavillon principal du château.

Vue aérienne du château