L'histoire de Chicheboville
Préhistoire et Moyen Âge
L’origine du nom vient de Villa franque, bâtie au sud-ouest du marais et protégée au nord-est par le val : Chicheboville. Elle appartient à un Cinceboldus ou Sisbal. Le nom évolue au cours des siècles : Cinceboldivilla en 1120, Chinchebovilla en 1201, Cinceboville en 1232, Chinchebouvilla en 1264, Chincibovilla au XIVeme siècle, Cincheboville en 1395 et même Chymcebovilla en 1424 puis Chicheboville.
Une histoire de fossile
La Normandie, du fait de sa formation géologique, comporte des sols aux origines diverses ce qui explique la variété de nos paysages. Les terrains calcaires façonnent le plateau de la plaine de Caen, formant ce qu’on appelle la couverture d’âge secondaire datant du Jurassique inférieur moyen. Le sous-sol de Chicheboville se trouve dans cette zone datée plus précisément du Bathonien. On y trouve de nombreux fossiles qui nous donnent une idée un peu plus précise de la physionomie du village avant l’arrivée de l’Homme.
L’altitude moyenne du village se situe entre 20 et 40 mètres, inférieure à 20 mètres dans le marais. Le point le plus haut est en limite du territoire de Garcelles. Le bourg de Chicheboville est situé à une altitude de 25 mètres. Du point de vue hydrogéologique, la nappe phréatique d’origine bathonienne se trouve à 38 mètres à Secqueville pour atteindre 2 mètres à Béneauville, 10 à 17 mètres sous les éoliennes. Elle possède un axe de drainage calqué sur celui de l’Orne.
Au Jurassique, la France se trouve sous la mer. Seuls pointent au-dessus des flots la Bretagne du Nord-Ouest, la terre ardennaise à l’Est et un vaste plateau à l’emplacement du Massif central. Le climat est chaud et humide, les eaux de la mer avoisinent les 25°C. Une faune bien sépcifique se développe dans les bassins peu profonds. Nous en retrouvons des traces sous forme de fossiles. Ainsi, au hasard des travaux de génie-civil, de construction ou d’extraction, d’archéologie, une couche fossilifère peut être mise à jour.
Nos lointains ancêtres
Vers 5000 avant J-C, l’hémisphère Nord de la terre se réchauffe. Le marais actuel de Bellengreville-Chicheboville, sur une surface de 4000 hectares, est pratiquement infranchissable car inondé tout l’hiver. Cependant, en limite, certaines parties de terre, plus élevées, émergent toujours. Il semble que ce soti le cas de la plaine de Chicheboville car là se croisent plusieurs chemins d’origine préhistorique qui relient différentes communautés de vie. Ces premiers hommes nous ont laissé des traces, des objets de leur vie quotidienne qui nous permettent de découvrir leur mode de vie. Nous faisons ainsi connaissance avec l’homme de l’âge de pierre et ses imposantes sépultures, celui de l’âge des métaux et les premières traces d’installation dans la plaine. Puis, nous quittons la Préhistoire pour l’Histoire avec les Gallo-Romains et leurs réseaux routiers et enfin les Francs avec la création des villae, origines des deux villages de Chicheboville et Béneauville.
L’homme de l’âge de pierre
Aux alentours du village actuel, en sufrace de certains labours, on retrouve, sous forme d’outils en silex taillés, les traces d’une occupation préhistorique. Il s’agit d’une population de pasteurs-agriculteurs, chasseurs, pêcheurs vivant entre 4500 et 3500 av. J-C, de type « méditerranéen gracile » caractérisée par une petite taille, un squelette frêle et un crâne allongé.
À cette époque, l’homme abandonne la vie nomade pour construire les premières maisons de bois et de terre. Il cultive le sol pour répondre à ses besoins domestiques tout en continuant la cueillette et la pêche. La population s’accroît et une hiérarchie entre les individus apparaît. Cette société structurée est capable d’entreprendre de grands travaux comme la construction de sépultures collectives de Chicheboville-Bellengreville aujourd’hui détruites.
Les outils laissés par nos lointains ancêtres du Néolithique répertoriés sur Chicheboville, sont des racloirs, des grattoirs, des burins, des pointes de flèches et de sagaies. L’homme se sédentarise, pratique désormais l’agriculture et l’élevage, l’outillage se généralise.
Un groupe de cinq tumuli : petits monticules artificiels de terre, existe en bordure des marais de Chicheboville et Bellengreville, dans la partie occidentale des champs communaux. Deux se trouvent sur le territoire de Bellengreville et trois sur celui de Chicheboville. L’existence de ces sépultures laisse supposer que les hommes de cette époque imaginent déjà un au-delà puisqu’ils prennent soin du corps de leurs défunts. Ces tombeaux construits au Néolithique moyen, vers 3500 av. J-C, sont constitués d’une ou de plusieurs chambres funéraires, en forme de coupole, pouvant, chacune, contenir de 4 à 40 corps.
En 1820, la commune de Bellengreville utilise les pierres de ses deux tumuli pour réparer ses chemins. En 1839, les marais de Chicheboville sont partagés par la commune pour subvenir aux frais de construction d’un presbytère. On nivelle alors les loges sépulcrales des trois derniers tumuli de Chicheboville. Les pierres servent à l’encaissement de la route de Chicheboville à Bellengreville.
Trace d’habitat protohistorique à Chichebovile
Un peu masquées par l’ombre d’un nuage, apparaissent au premier plan deux traces, l’une en forme de trapèze à gauche, et l’autre presque carrée à droite. C’est une petite ferme protohistorique, de plan basique, composée d’un enclos principal dans lequel on aperçoit les traces d’un « fond de cabane », d’autres fosses-silos et un enclos secondaire à usage de pacage ou de jardin. Un bâtiment sur poteau à l’extérieur correspond peut-être à un grenier.
Les Gallo-Romains
Le Clore Mare
Selon Arcisse de Caumont, célèbre archéologue français, « l’un de ces tumulus, visible alors du canal qui séparait les deux communes (au lieu dit « le clos Marc » ou « Mare »), mesurait 25 mètres de diamètre ». Aujourd’hui encore, on en distingue quelques traces.
L’homme de l’âge des métaux
Entre 2000 et 600 av. J-C, c’est l’âge du bronze. L’homme invente la roue, pratique le labour, domestique le cheval, pratique l’inhumation et l’incinération de ses morts. L’âge du fer commence vers 600 av. J-C et se prolonge jusqu’à la conquête de la Gaule par les Romains.
Fibule décorée à queue de paon gallo-romaine (longueur 5 cm)
Les Celtes possèdent un réseau routier assez complexe et bien entretenu. Une bonne partie de nos chemins remonte probablement de cette époque. Notre secteur est de tout temps une voie de passage stratégique. Pendant l’occupation de la Gaule, pour administrer le territoire, les Romains doivent se déplacer rapidement, le cas échéant avec toute une armée. Il leur faut des voies sûres, rapides et praticables par tous temps. Ils les tracent bien droites et les encaissent. Lorsqu’ils ne peuvent éviter de traverser des zones marécageuses, ils soutiennent l’empierrement par des traverses de bois.
Les voies anciennes
Plusieurs voies vicinales traversent le territoire de Chicheboville. Le plus important, le chemin des Ponts-de-Jort, du nord-ouest vers le sud-est, partant de Caen, se dirige vers le Merlerault dans l’Orne. Ces routes, généralement de 3 à 8 mètres de large, permettent à deux charrois de se croiser. Au vu du nombre de destinations qui se rejoignent sur le Val ès dunes, on comprend l’intérêt stratégique de ce noeud routier. Le carrefour de toutes ces voies est nommé « la Croix Caunet ». Qui dit voies de passage dit habitat.
Les Francs
L’Empire romain est très étendu et le nombre de soldats insuffisant pour surveiller ce vaste empire. Ainsi, les armées romaines recrutent des mercenaires étrangers et incorporent des prisonniers qui forment de véritables régiments chargés de veiller aux frontières. Les Francs sont particulièrement prisés pour leur bravoure et leur armement. Lorsqu’ils deviennent trop âgés pour combattre, ou afin de les remercier de leurs bons services, les Romains leurs offrent des terres. Ces soldats, revenus à la vie civile, se font construire une vaste propriété, dite villa, ressemblant à celles qu’ils ont vues en Italie où celles des Romains installés sur le secteur. La classe dirigeante, à l’origine de ces noms, adopte la langue des Gallo-Romains et s’incère dans la grande propriété foncière romaine.
Pour différencier ces grosses exploitations les unes des autres, on prend l’habitude de les désigner par le nom de leur propriétaire franc. En Basse-Normandie, tous les noms de communes se terminant par ville se sont forgés de la même manière : un nom franc + villa. Ainsi :
- Benulfi villa : Béneauville qui, en 1234, évolue en Benivilla puis Abonel, Abeneau, Boneau villa et Béneauville la Campaigne au XVIIème siècle.
- Chicheboville : Elle appartient à Cinceboldus ou Sisbal. Le nom évolue au cours des siècles : Cinceboldivilla en 1120, Chinchebovilla en 1201, Cinceboville en 1232, Chinchebouvilla en 1264, Chincibovilla au XIVème siècle, Cincheboville en 1395 et même Chymcebovilla en 1424 puis Chicheboville.
Les Mérovingiens et la christianisation
Du Vème au VIIIème siècle, le pays est gouverné par la dynastie des Mérovingiens. Par extension, on utilise ce nom pour désigner les personnes qui vivent à cette époque. Sur notre territoire, il existe plusieurs traces de leur occupation : l’église saint Laurent, la nécropole et la « chapelle » de Chicheboville. Cette période est donc marquée par la christianisation de la Normandie. Les églises deviennent les nouveaux points de repères, géographiques et spirituels des villages. Des fouilles archéologiques, faites à la fin du XIXème siècle, ont mis à jour des objets, dont certains ont des caractéristiques franques bien affirmées, et qui sont actuellement déposés au Musée de Normandie.
Le territoire saint Laurent et ses églises
L’habitat, jusqu’ici dispersé, commence à se regrouper le long des voies de communication. Pour Chicheboville, celui-ci s’implante selon une courbe un peu sinueuse juste en limite du marais et de la plaine, partant du château de Chicheboville, passant par Béneauville et se terminant à Navarre. Dans ce cas, la route du village ne semble pas avoir précédé la venue des habitants mais être la conséquence de leur implantation.
Localisation de l’église et de la chapelle saint Laurent
Dans la seconde moitié du XIXème siècle, la Société des Antiquaires de Normandie entreprend plusieurs campagnes de fouilles sur le site de la chapelle saint Laurent. AIdé par des agriculteurs des villages environnants, les savants découvrent plusieurs édifices religieux.
Trois édifices, situés dans le même axe, sont mis à jour. Le premier, le plus petit est un porche ou une tour. Le second, au centre, est la chapelle saint Laurent élevée en souvenir de la bataille de 1047. Le troisième, le plus grand, est une ancienne église, ruinée à l’époque de la bataille. Au XIXème siècle, on distingue presque la ligne de démarcation qui sépare le choeur de la nef. Cette église mérovingienne est datable entre 500 et 750, sa destruction est peut-être contemporaine des raids vikings en 820 ou 824.
Le site religieux de Saint-Laurent
Les chercheurs font plusieurs découvertes :
- Une fosse ronde : un ossuaire contenant environ 1/2 m3 d’ossements humains très vieux, brisés avec des fragments de petits vases en terre.
- Une sépulture, à 1m30 de profondeur, renferme un squelette ayant les pieds au levant et un petit vase fufnéraire ua coté droit de sa tête. L’homme mesurait 1m62 de taille, ses os sont assez bien conservés, d’une grosseur remarquable, la tête très forte, l’os du crâne épais. Il devait avoir 60 ans au moment du décès. Sur sa poitrine adhère à une des côtes, une espèce de décoration en cuivre jaune finement ciselé composée de 5 pièces unies ensemble par une broche en fer réduite en poussière.
- Neuf sépultures mérovingiennes monolithes. Les squelettes sont dans des conditions de conservation différentes : de jaunâtres, ils deviennent blanchâtres, veinés. L’un d’eux a un vase funéraire près de sa tête. On découvre également quelques morceaux de vases brisés, mêlés à des débris d’ossements.
Vers 1890, les soubassements d’une église ou chapelle sont découverts à proximité de l’église actuelle de Chicheboville, le long du chemin de Caen aux Ponts-de-Jort. D’ailleurs, la parcelle porte le nom de Delle de la chapelle. Des sarcophages mérovingiens sont exhumés. Ce lieu de culte, vraisemblablement le tout premier de Chicheboville, implique égalmenent un habitat au début du Moyen Âge.
La nécropole mérovingienne
La société des Antiquaires de Normandie décide d’organiser d’autres fouilles dans le lieu-dit « la vallée de Conteville » à Chicheboville. Elle découvre une vaste sépulture.
En 1868, la première campagne fait grand bruit et attire une foule considérable venue des villages environnants. La plupart des objets découverts sont alors déposés au musée de la SAN mais ont, aujourd’hui, en partie disparu.
L’emplacement exact du cimetière mérovingien peut prêter à controverse. Cette carte présente ainsi deux hypothèses envisageables, toutes les deux s’appuient sur les descriptions faites dans les relevés de fouilles. Accolé au cimetière mérovingien se trouve l’un des cimetières de la bataille de 1047 (la nécropole supposée militaire).
Lors des fouilles, à 1m20 -1m60 de profondeur, les ouvriers terrassiers rencontrent de vieux ossements brisés, mêlés à la terre, parfois plusieurs squelettes dans une même fosse. La terre qui touche les ossements paraît purgée de toutes pierres. Les bras sont le long du corps et presque tous les morts ont les pieds tournés vers l’est. On remarque des traces d’inhumations successives avec des ossements de femmes et d’enfants.
Dans une partie ouest du cimetière, se trouvent des sépultures d’enfants, un peu moins profondes, qui entourent les sarcophages. Les chercheurs en fouillent une douzaine.
Dans la partie centrale du cimetière, on trouve dix-sept sarcophages juxtaposés, en pierre de Conteville et d’inégales grandeurs mais tous minces, plus étroits aux pieds. Seize possèdent des couvercles à arêtes plus ou moins prononcées mais beaucoup sont rompus ou fêlés par des traces de soc de charrue.
Les carrières de Conteville-Chicheboville
Les carrières de Billy, Béneauville, Chicheboville et Conteville ne forment qu’un seul gisement faisant suite à celui de Cintheaux de l’autre côté de la route de Caen à Falaise. Le gisement fait parrtie de l’ensemble plus grand connu sous le nom de « pierre de Caen ».
Aujourd’hui, l’exploitation des carrières a totalement disparu. La présence même de ces carrières souterraines, consécutives de l’exploitation de la pierre, tend à disparaître par remblaiement comme ce fut le cas pour « la Goule noire » de Conteville. Les cavités souterraines sont responsables d’affaissements et d’effondrements. Aujourd’hui il ne reste plus qu’un accès utilisable dû à une réouverture privée pour études archéologiques.
L’antiquité de ces carrières est incontestable. La pierre de surface est extraite depuis la préhistoire puisque les tumulus de notre commune et le mur du XIème siècle du cimetière de Béneauville sont montés en plaquette. D’autre part, les sarcophages d’époque franque trouvés dans l’ancien cimetière mérovingien de la vallée de Conteville sont exécutés avec cette pierre.
En 1847, « la Goule noire », nom donné à l’entrée de la carrière s’est trouvée obstruée par le passage de la route, il ne reste plus qu’une mauvaise communication. En 1936, il ne reste que 7 maçons, 1 tailleur de pierre mais aucun carrier. Aujourd’hui, l’accès en est interdit car le site sert à la nidification de trois sortes de chiroptères (chauves-souris).
L’état actuel des lieux ne permet pas une exploration générale des carrières car de nombreux effondrements ont eu lieu, notamment sur le territoire de Béneauville. Aujourd’hui, l’accès est difficile, il faut parfois ramper à plat ventre. À l’intérieur, des traces indiquent qu’elles furent exploitées, mises en sommeil puis réutilisées à différentes époques.
Les carrières comportent un réseau complexe de galeries situé à faible profondeur : de 5 à 8 mètres de la surface du sol.
Une légende raconte qu’une galerie aboutirait aux églises du voisinage ; celle de Chicheboville a été découverte en 2015 à l’occasion de la construction d’une habitation. Les personnes qui ont visité cet endroit ténébreux ont remarqué, à une centaine de mètres de l’entrée Est, une galerie de 4 mètres de large sur 3 mètres de haut qui semble se diriger vers l’église de Billy distante d’1km et demi. Sur cette voie se trouve une sorte de rond-point, auteur de colonnes de soutien à base quadrangulaire, permettant aux charois de manoeuvrer.
Il subsiste des traces d’attaches pour les chevaux et un puits avec margelle, servant à abreuver hommes et animaux. Le niveau d’eau qui remonte par un siphon, dépend de la hauteur de la nappe phréatique. Sur la droite, à mi-hauteur de paroi, se trouve un genre de banquette vraisemblablement destinée à permettre aux ouvriers de dormir sur place.
Le puits, creusé dans un angle d’extraction, est peu large et ne possède qu’une faible profondeur. On aperçoit ici la voûte formée par le banc de silex et la margelle un peu cachée par un dépôt de pierres.
Il possède une caractèristique remarquable. Sur ses parois internes sont creusées des encoches avec une base bien horizontale. Elles permettent, en y calant bien le pied, de descendre jusqu’au fond et de remonter sans aucune aide extérieure.
Cette salle et les galeries sont régulièrement inondées. Certains piliers portent des traces importantes d’érosion. Est-ce là une des causes de l’abandon de l’extraction ? Le renforcement de la base des parois est peut-être dû au souci de palier à cette érosion. De chaque côté on aperçoit l’entrée d’anciennes galeries partiellement remblayées et comme partout des inscriptions.
Personne ne s’est jamais vanté d’avoir vu l’extrémité des souterrains. Au XIXème siècle, des témoins, dont certains ont marché pendant un kilomètre, remarquent que les parois sont recouvertes d’écritures, de noms français, anglais, de caractères et d’époques diverses. Beaucoup d’inscriptions sont difficiles à lire. Dans cet endroit exceptionnel, nos concitoyens laissent leur signature avec différents graffitis. Ils ne devaient pas être là pour travailler mais pour faire la fête car, à ces dates, les carrières ne sont plus exploitées. Néanmoins, il existe d’autres traces très anciennes, souvent en rapport avec des évènements historiques car les gens utilisaient les carrières comme lieu de protection, comme en 1944.
Henri Prempain 4 juin 1905.
Léon Delasalle 4 juin jour de sa fête, 13 ans, 1906
Arthur Dujardin 4 juin 1905, Chicheboville
Guillaume et la Bataille de Val ès Dunes
En 1047, Chicheboville entre dans les livres d’histoire. La bataille du val ès dunes, qui a lieu sur notre territoire, permet au jeune Guillaume, duc de Normandie, de consolider son pouvoir et, plus tard, de devenir Guillaume le Conquérant, roi d’Angleterre.
Les barons se révoltent
En 1027, Arlette fille d’un marchand pelletier donne naissance à Falaise au fils illégitime du duc de Normandie Robert le Magnifique : Guillaume. Robert disparaît pendant les croisades alors qu’il a confié son fils uniques à ses fidèles barons.
Au début de son « règne », le jeune Guillaume doit faire face à l’hostilité de l’ouest du duché qui conteste son autorité. La trêve de Dieu que le jeune duc tente d’imposer n’est pas respectée et ses cousins revendiquent le duché. Un groupe de barons, dirigé par Guy de Brionne, cousin du « bâtard », se révolte. Descendant légitime du duc Richard II, Guy de Brionne, ou Bourgogne, est élevé avec Guillaume à la cour du duché et il est un solide prétendant au trône. Les autres conjurés sont Néel II de Saint-Sauveur vicomte du Cotentin, Ranulfe de Briquessard vicomte du Bessin, Grimoult seigneur du Plessis, Hamon aux dents ou le dentu, baron de Creully et de Torigny, Raoul Taisson seigneur du Cinglais et de Thury Harcourt.
À Bayeux, les barons jurent la perte de Guillaume et décident d’aider Guy de Brionne à prendre le duché. Dans ce serment, ils jurent « de frapper » Guillaume, c’est ce terme qui permettra à Raoul Taisson de revenir sur sa parole. Ils fortifient leurs châteaux. Ils attirent Guillaume dans un guet-apens et projettent de l’assassiner. Le jeune duc se rend au château de Valognes pour y pratiquer son activité favorite : la chasse. Il échappe de peu à l’attentat grâce à un fou, dont personne ne se méfie, Golet qui le prévient. Laissant là ses affaires, Guillaume se lance alors dans une fuite éperdue à cheval, évitant les chemins fréquentés. En passant par Ryes, il rencontre son vassal Hubert qui lui donne une escorte et met les conjurés sur une fausse piste laissant ainsi au jeune duc le temps de s’enfuir jusqu’à Falaise. Dans le duché, les troubles sont nombreux, l’affrontement devient inévitable.
Guillaume se rend à Poissy où il rencontre son suzerain le roi Henri Ier de France et lui demande de l’aide. Il rappelle au roi l’aide que son père, Robert duc de Normnadie lui a apportée lorsque la mère d’Henri l’a chassé du royaume de France et qu’Henri s’est réfugié en Normandie et mis sous la protection de Robert. Le roi est touché par la situation de son vassal et décide de l’aider ; il convoque le ban et entre en Normandie. Guillaume recrute des contingents dans le pays d’Auge, celui de Caux, le Roumois, la région d’Exmes ainsi que dans les villes de Lisieux, Evreux, Falaise, Sées et Caen qui lui sont restées fidèles. Dans les premiers jours d’août 1047, il campe avec ses troupes à Argences. Henri campe sur le Laizon, une petite rivière entre Argences et Mézidon, au hameau des forges à Ouézy.
Dans l’autre camp, les barons révoltés passent l’Orne en différents points et regroupent leurs troupes au Val ès dunes. Leur position est bien choisie, protégée par les hauteuts de la côte saint Laurent et par les marais. Cependant, elle a aussi un inconvénient, la retraite est impossible d’autant plus que Caen semble acquise à Guillaume. Les Barons ont obligation de vaincre.
À la date prévue, peut-être le 10 août 1047, le roi Henri Ier assiste à la messe dans l’église Saint-Brice de Valmeray. Puis, il monmte vers l’actuel village de Béneauville ; ses troupes se rangent sur la rive gauche du Sémillon et attendent Guillaume. Le chemin qu’il suit est toujours appelé : « chemin du roi ».
Le matin du jour décisif, Guillaume quitte Argences et se dirige vers le sud pour rejoindre l’armée française. Il traverse le Sémillon au gué Béranger situé sur la voie romaine entre Vimont et Bellengreville. Il remonte le cours d’eau et les deux armées, française et normande, font leur jonction dans la plaine, en limite de Billy et de Béneauville. L’armée de Guillaume fait alors un quart de tour pour marcher aux côtés de l’armée du roi et aller vers le lieu de l’affrontement.
Le Val
Le choix du Val ès dunes s’explique par deux raisons ; c’est un noeud de jonction stratégique et un terrain découvert. Il est situé entre Bellengreville, La Hogue, Secqueville, Conteville, Billy et Béneauville et Chicheboville.
En 1047, le vallon forme un quadrilatère, long de quatre kilomètres et large de trois, traversé dans sa largeur par le chemin de Caen aux Ponts-de-Jort. Sa partie ouest est un peu plus élevée et descend en pente douce vers le marais de Bellengreville-Chicheboville situé le long de son flanc est. Il est bordé au nord par de petites collines qui ont l’apparence de dunes en raison du sol sablonneaux qui les recouvre. Ces dunes ont donné le nom légendaire du val. Des plantes marines y poussent, en particulier cette sorte de chardon aux feuilles très épineuses qu’on remarque dans les sables du bord de mer. Plantés vesr 1850 sur les terres incultes, les pins d’Écosse changent la physionomie originelle du lieu.
Au XIIème siècle, Wace, qui écrit l’histoire de Guillaume le Conquérant le décrit ainsi :
« Valesdunes est en oismeitz
Val ès dunes est en Oxmois
Entre Argences è Cingueleiz
Entre Argences et Cinglais
De Caem i peut l’en cumter
De Caen on peut compter
Treis leugs el mien kuider
Trois lieues suivant mon opinion
Li plaines sont lunges è lees
Les plaines sont longues et larges
N’i a granz monz ne grans vallée
Sans grands monts ni grande vallée
A sex prouf du vé berangier
Assez proche du gué Béranger
N’i a boscage ni ros chier
Sans bocage ni rocher
Mais en cuntre soleil levant
Mais contre le soleil levant
Se funt la terre en avalant
Se termine la terre en descendant
Une rivière l’avironne
Une rivière l’environne
Devers midi et devers none
Au sud et vers none
Concernant les forces en présence, nous reprenons les chiffres proposés par Thierry Wavelet et Jean-Paul Hauguel dans « Sur les pas de Guillaume en Val ès Dunes » : 260 chevaliers et 1040 piétons pour le camp de Guillaume ; 170 chevaliers et 680 piétons pour les rebelles. Les forces sont sensiblement équilibrées. Lors d’une bataille, le cavalier normand monte un destrier de petite taille : 1,45m à 1,50m au garrot. Dans les batailles les soldats s’ordonnent en « conrois » : unité de vingt à trente cavaliers qui chargent de front sur deux ou trois rangs ; ils sont réputés pour faire la force des armées normandes.
Peu de temps avant la bataille, les chevaliers en armes, commandés par Raoul Taisson, arrivent également. Ses troupes refusent de s’engager dans le combat et le seigneur du Cinglais est partagé entre deux serments : l’hommage fait à Robert père de Guillaume et celui fait aux barons révoltés. Finalement, il ruse, s’approche de Guillaume et le gifle avec un gant, remplissant ainsi son serment de « frapper » le jeune duc. Il se tient ensuite prudemment à l’écart, attendant le moment favorable pour choisir définitivement son camp.
Le choc des armées
Scène de bataille : Extrait de la tapisserie de Bayeux n°55. Sur cette image, l’évêque de Bayeux, Odon, frère de Guillaume, encourage les combattants. Guillaume, le deuxième personnage à partir de la droite, que l’on croyait blessé, lève son casque, se fait reconnaître et rallie ses soldats.
À neuf heures, il fait beau les deux armées se rencontrent et le choc est terrible. Les combats, aux cris de Dex Aïe (Dieu Aide !), son acharnés et très meurtriers. Dans son récit, Benoît de Saint Maure écrit « Jamais peut-être autant de coups mortels n’ont été portés, jamais tant de glaives teints de sang ! La terre en est roug, les gonfanons (bannières) de soie en dégouttent… et au milieu de cet horrible fracas, on distingue les cris déchirants des blessés, broyés sous les pas des chevaux ». Tout d’abord, la cavalerie, lancée au galop, fait trembler la terre, puis vient le bruit strident des armes, un mouvement continuel de coups portés. Guillaume surpasse tous ses hommes en bravoure.
Progressivement, les barons perdent du terrain et se retrouvent refoulés sur la côte Saint-Laurent. Hamon meurt provocant un effet de recul de son armée. Raoul Taisson, choisissant définitivement son camp, se lance alors dans la bataille au côté de Guillaume. Ce ralliement, en cours de bataille, de 225 soldats, renverse la donne. Ranulfe prend la fuite. Néel et Guy de Brionne continuent la lutte, acculés à la côte Saint-Laurent, dans une réssitance aussi héroïque que désespérée puis se résignent à fuir.
La déroute à travers la plaine de Bourguébus, Tilly-la-Campagne et Saint-Martin-de-Fontenay, devient générale dans le désordre et la confusion. Les soldats doivent gagner Caen mais, à cette époque, les marais rendent la zone entre Vimon et Frénouville peu praticable. Ils tentent alors de franchir l’Orne au gué de Bully. Guillaume les bloque entre Saint-Martin-de-Fontenay et Basse-Allemagne (Fleury-sur-Orne). Au passage d’Athis, les conjurés lourdement armés n’ont le choix qu’entre la rivière et l’armée du duc. Selon Benoît de saint Maure, c’est un tel carnage que l’eau en devient vermeille jusqu’à Caen ; les cadavres sont si nombreux qu ele moulin de Bourbillon, au-dessous du village de Fleury-sur-Orne, est bloqué.
Après la bataille, roi et duc se partagent le butin et inhument les morts sans tarder. L’insurrection est écrasée ; son autorité assurée, Guillaume règne désormais sans partage sur le duché. Henri rentre en France. Les conjurés sont emprisonnés ou contraints à l’exil. Néel, que Guillaume considérait comme le principal instigateur du complot, s’enfuit en Bretagne et son domaine est confisqué, il rentrera en grâce quelques années plus tard. Guy de Brionne est gracié par Guillaume et se retire en Bourgogne. Grimoult du Plessis, livré au vainqueur, est emprisonné à Rouent où il meurt. Ranulfe obtint le pardon du duc.
Le souvenir de la bataille
Le conflit laisse des traces dans la toponymie locale :
- « Le cimetière aux chevaux » est un nom de delle de la commune de Bellengreville, entre Secqueville et le Chemin de Jort. Au XIXème siècle, on y trouve encore de nombreux ossements de chevaux que l’on suppose être ceux de 1047.
- Le nom de « Malcouronne » concerne une ferme et une pièce de terre située sur Secqueville, derrière le poste EDF. L’origine du nom viendrait de la chute que fit le roi de France. Renversé par un coup de lance au cours de la bataille, Henri se relève et repart au combat. La ferme de la Malcouronne, construite au XIXème siècle, a aujourd’hui disparu. Selon Arcisse de Caumont, les écuries et le puits existent encore en 1820.
- Au XVIIème siècle, on parle encore d’une « voie messire Guillaume » à Béneauville et d’une « Croix messire Guillaume » sur Chicheboville. Le mot croix signifie probablement ici croisement de routes. Elle se trouvait sur le chemin des éoliennes (au niveau de la deuxième), au croisement du chemin des Haudières et menant vers Billy.
La chapelle Saint-Laurent
Après le combat, Guillaume, victorieux, décide d’élever une chapelle sur le lieu de la bataille. Selon l’historien Bourgueville, sieur de Bras, la chapelle, qu’il a vue de ses yeux, est dédiée à saint Laurent, car la bataille est livrée le 10 août, jour de la fête du saint, probablement près du lieu du gain de la bataille, où furent portés les derniers coups. Cependant, la découverte de l’église Saint-Laurent et l’existence d’une paroisse du même nom, antérieure à la bataille, viennent remettre en cause cette explication.
Des deux édifices retrouvés au XIXème siècle par la SAN sur la butte, la chapelle est le plus petit. Elle est visiblement édifiée avec les débris de l’ancienne église car, lors des découvertes, on constate un mélange de matériaux seulement la chapelle est bâtie « à bain d’argile » : avec un mortier de terre et non de chaux comme l’église. Cette chapelle est détruite en 1562, lors des troubles protestants. En 1616, on la mentionne totalement ruinée sur un territoire qui s’appelle encore Saint-Laurent du Val ès dunes.
Le cimetière de la bataille
Après la bataille, Henri Ier veut rentrer au plus vite dans son royaume. Avec Guillaume, ils décident d’ensevelir leurs morts dans les cimetières des alentours. Celui de la Vallée-de-Conteville est peut-être l’endroit où le combat livré en 1047 est le plus meurtrier. Dans son Roman de Rou, Wace nous apprend que les simples soldats sont enterrés sur place et que la plaine se transforme en un vaste cimetière :
« En terre enfoent les ociz
En terre, on enfouit les morts
Az cimetière del paiz
Dans les cimetières du pays«
Ce cimetière « militaire » jouxte le cimetière mérovingien de la vallée de Conteville. On rencontre, à cet endroit, des traces de sable mélangé de terre qui indiquent un sol remué sous une épaisseur de terre végétale. À l’issue des campagnes de fouilles de la SAN de la fin XIXème siècle, on découvre 71 fosses, sondées et fouillées avec le plus grand soin, d’une profondeur de 50cm à 1 mètre. On dénombre 74 squelettes.
Plusieurs indices désignent un cimetière militaire, celui de la bataille de 1047. Tout d’abord, les squelettes sont de sexe masculin, dans la force de l’âge : 15 à 50 ans, mesurant de 1m42 à 1m90. Lors des fouilles, Antoine Charma constate leur aptitude au métier des armes. Au centre d’une fosse mal faite, creusée dans le sable sur 1 mètre de largeur, 1m50 de longueur et 70cm de profondeur, on découvre trois squelettes : celui du milieu très grand à demi-assis avec toutes ses dents, celui de droite plus petit appartient à un individu jeune (15-16 ans) et celui de gauche, de taille ordinaire indique un homme âgé (la soixantaine), les dents rares et usées. Benoît de saint Maure écrit que les soldats sont de tous âges : « marcher jeune et vieux ». On découvre, au milieu d’un groupe de six, un seul squelette de femme, fluette, de taille moyenne. De plus, ils sont couchés à peu de distance les uns des autres, sûrement simultanément ensevelis. Les squelettes sont assez bien conservés, disséminés çà et là, par groupe de trois, quatre, cinq, six par fosse, en sorte que par intervalles, on ne trouve rien. Benoît de saint Maure raconte : « Les occis de la bataille furent enterrés à loisir là où il plut davantage ».
Les fosse, de forme concave, laissent un petit rebord qui partage les corps entre eux. Les cadavres sont étendus sur le dos, les bras appliqués le long des côtes et contre les cuisses. Dans la plupart des tombes, on trouve deux rangées de pierres plates figurant un cercueil. La tête seule présente une singularité : elle est à droite et à gauche protégée par deux pierres plates qui en soutiennent une troisième. Selon les archéologues, ce serait une tradition franque. Les morts ont les pieds vers le levant ; ils sont tous orientés est/sud-est. Les crânes retrouvés ont un front convenablement développé, dolichocéphale.
On ne trouve nul objet de fer ou de cuivre près d’eux ; on peut penser qu’à l’issue de la bataille, les morts sont débarassés des objets les plus coûteux. À l’époque, la coutume est de dépouiller les cadavres car les vêtements de protection et les armes : épées, boucliers, lances et cottes de maille coûtent cher. Les chercheurs de l’époque concluent que ces sépultures paraissent convenir à une population relativement pauvre et assez peu civilisée. En réalité, cette affirmation tient au fait que les tombes ne contiennent pas d’objets, ce que recherchent les archéologues.
Les monuments commémoratifs
Borne commémorative élevée par Arcisse de Caumont à Vimong
Deux monuments commémoratifs rappellent le souvenir de cette bataille. Le premier, mal placé mais sur un endroit plus passant, est élevé en 1841 par Arcisse de Caumont sur la D613 (ancienne RN13), à la sortie du village de Vimont. L’inscription : « En souvenir de la bataille du Val-ès-Dunes, près d’ici vers le sud-ouest au lieu dit le Val-ès-Dunes fut livrée la bataille gagnée par le duc Guillaume sur les barons normands révoltés contre lui le 10 août 1047. Le duc passa la Muance au gué Béranger près d’Argences, opérant sa jonction à Valmeray avec son allié Henri, roi de France, et de concert avec lui attaqua les insurgés de la plaine du Val-ès-Dunes : ceux-ci furent défaits après avoir soutenu pendant quelques temps avec courage l’attaque des deux armées, et prirent la fuite dans le plus grand désordre ».La stèle de 1947, sur la route de Bourguébus, est érigée pour corriger l’erreur volontaire d’Arcisse de Caumont.
Borne commémorative de la route de Bellengreville à Bourguébus, placée à proximité du lieu de bataille, érigée par le Conseil général à l’instigation de M. Léonard Gilles et de Mademoiselle Le Normand.
La Première Guerre mondiale
Le monument aux morts témoigne encore aujourd’hui de l’engagement et du sacrifice des hommes du village. Sur le front, ces soldats ont participé aux grandes batailles du conflit qui oppose la France à l’Allemagne. A l’arrière, les habitants s’organisent pour soutenir leurs pères, leurs frères, leurs maris ou leurs amis partis combattre.
Le monument recense vingt soldats victimes de la guerre : Joseph Bertrand, Eugène Calvin, Léon Delasalle, Augustin Gehanne, Mathieu Lecali, Jules Letellier , Théophile L’Herrec, Yves L’Herrec, Léonce Niard, Marcel Nicolle, Robert Nicolle, Paul et Victor Pacary, Jules Philippe, Jules Prempain, Martial Prempain, Alfred Romain, Henri Sarrat, Louis Saür , Gustave Boulin (disparu), René Delasalle. Alexandre Thorel.
Comme dans tous les villages de France, des hommes de Chicheboville se sont battus pour leur patrie. Voici quelques faits d’armes accomplis par ceux qui y ont laissé la vie. La liste qui suit n’est pas rigoureusement identique à celle du monument aux morts, ni à celle de l’église plus complète car elle est basée uniquement sur les personnes nées à Chicheboville dont l’acte de décès a été transmis à la mairie. Elle permet de se replonger dans le conflit et de découvrir que nos soldats ont participé aux grandes batailles de la Grande Guerre.
La bataille de la Marne
Ce combat est une des premières batailles décisives de la guerre. Du 5 au 12 septembre 1914, les troupes françaises et anglaises repoussent les Allemands. Le plan Schlieffen, qui prévoit une invasion de la France en six semaines, est déjoué. Cette énorme mobilisation d’hommes et de matériels reste célèbre grâce à l’épisode des taxis de la Marne qui permet le transport des soldats jusqu’au front.
Plusieurs de nos soldats participent à cette bataille :
- Louis Saür appartient à un des plus anciens et des plus illustres régiments de l’armée française : le 5ème régiment d’infanterie de Ligne. Au mois de septembre, il est mobilisé sur la Marne. Blessé, il meurt à l’hôpital temporaire de Tulle le 1er octobre 1914.
- Léonce Niard, soldat au 25ème régiment d’infanterie (11ème Cie, 10ème corps) décède, en 1915, à l’institut Notre-Dame Des Salles de Berck-sur-Mer, d’une maladie contractée en service.
- Alexandre Thorel est sergent au 361ème régiment d’infanterie. Il est tué le 23 septembre 1914 lors de l’offensive infructueuse contre Moulin-sous-Touvent dans l’Oise. Son corps n’a jamais été retrouvé, était-il trop abîmé, méconnaissable ou simplement disparu ? En 1920, un jugement établit officiellement son décès.
La course à la Mer
Louis Prempain est soldat au 236ème régiment d’infanterie (21ème Cie). Après la bataille de la Marne, l’offensive allemande est arrêtée à l’Est mais les deux camps tentent de se contourner par le Nord. Louis est envoyé dans la Somme où il décède, à Villers-Bretonneux, le 19 novembre 1914 « des suites des blessures reçues en guerre ». Cet épisode appelé la course à la mer se termine par la stabilisation du front. Elle marque également la fin de la guerre de mouvement et le début de la guerre de position ; les premières tranchées font leur apparition.
La première bataille de Champagne
Alfred Romain a le grade de caporal au 225ème régiment d’infanterie (24ème Cie). Après la bataille de la Marne, entre octobre et décembre 1914, il participe à la bataille de Champagne. En décembre 1914, sur le front occidental, Français et Britanniques, en supériorité numérique, lancent une offensive générale de la Mer du Nord à Verdun. Les tranchées allemandes résistent, les combats s’achèvent en décembre. En Champagne, les combats continuent tout l’hiver. Les Français font quelques avancées au prix de nombreuses pertes humaines. Alfred décède au Moulin de Souain près de Suippes le 21 décembre 1914 au cours d’un combat acharné car son acte de décès mentionne qu’« en raison des circonstances du décès, l’officier de l’Etat-civil n’a pu s’assurer personnellement de la réalité du décès ».
La première bataille d’Artois
Joseph Philippe est soldat du 36ème régiment d’infanterie de Caen (2ème Cie). En mai 1915, son régiment est engagé dans une offensive générale en Artois. Malgré quelques succès, l’issue est indécise. La progression est difficile et, à partir de juin, les attaques deviennent locales : village par village. Joseph meurt le 22 juin 1915 par suite « des blessures reçues par l’ennemi » dans une attaque sans succès contre le village de Souchez dans le Pas-de-Calais.
La seconde bataille de Champagne
En septembre 1915, débute une nouvelle offensive des Alliés en Champagne.
Paul Pacary, soldat au 1er régiment d’infanterie coloniale (Cie des mitrailleuses de la 20ème brigade) est tué sur le champ de bataille à Souain dans la Marne le 7 septembre 1915. Après trois jours de pilonnage par l’artillerie, l’armée française tente de briser les lignes allemandes entre Aubérive et Ville-sur-Tourbe (Marne). La première ligne est facilement prise mais les Français butent sur la deuxième, protégée par un important réseau de barbelés. Ils n’avancent que d’une centaine de mètres.
Léon Delasalle, soldat au 410ème régiment d’infanterie (1er bataillon, 2ème Cie) meurt à Ville-sur-tourbe le 25 septembre 1915 « suite à des blessures contractées au champ de bataille ».
Théophile L’Héréec, soldat au 24ème régiment d’infanterie, participe dans le cadre général de la bataille de Champagne à la deuxième bataille d’Artois. Il est « tué à l’ennemi » à Neuville-Saint-Vaast le 25 septembre 1915. Il faut deux ans pour constater son décès. Finalement, le 29, l’attaque est arrêtée ; c’est un échec.
Verdun
La bataille de Verdun, de février à décembre 1916, reste la bataille symbole de la Première Guerre mondiale. Le 21 février 1916, l’armée allemande lance un véritable « déluge de feu » sur les forts de Verdun et les tranchées françaises. Puis, l’infanterie attaque. Le but est de « saigner » l’armée française et d’en finir avec la guerre de position. Les poilus français résistent et rapidement, le général Philippe Pétain organise la riposte. Pendant plusieurs mois, les attaques allemandes se renouvèlent et sont à chaque fois repoussées. Pétain obtient des renforts par un système de rotation de soldats, ainsi 70% des soldats français ont connu Verdun. La bataille prend fin le 15 décembre 1916 après dix mois de combats. Les Français gardent l’avantage au prix de pertes considérables : 379 000 morts, blessés ou disparus, la deuxième bataille la plus meurtrière après la Somme.
Gustave Boullin, soldat du 119ème régiment d’infanterie, est tué à Fleury-devant-Douaumont, dans la Meuse, le 3 juin 1916. Ce village est situé à proximité de Verdun. Il est pris et repris 16 fois en deux mois par les Français et les Allemands. C’est l’un des neuf villages détruits lors de cette bataille.
Georges Bertrand soldat au 24ème régiment d’infanterie (train de combat n°1) est blessé au combat le 27 juillet 1916. L’ambulance 16/14 qui le transporte à l’hôpital est immobilisée au Petit Monthairon ; il meurt dans le véhicule de secours.
La Guerre des tranchées et les prisonniers
La fin de l’année 1914 marque la fin des grandes offensives mais pas la fin de la guerre. Les combats continuent, les soldats deviennent des poilus et s’enterrent dans les tranchées. Quelquefois, une offensive est tentée pour gagner une centaine de mètres, une prise souvent éphémère car l’ennemi reprend le terrain quelques semaines plus tard. Plusieurs de nos soldats meurent dans les tranchées ou dans ces vaines offensives.
Mathieu Le Gall est soldat au 91ème régiment d’infanterie (2ème bataillon, 7ème Cie), affecté dans une tranchée près de la forêt de Hesse, dans la Meuse. Il meurt le 3 janvier 1916 « tué à l’ennemi aux tranchées de la vallée de la Bébauthe ».
Yves L’Héréec soldat au 14ème régiment de Hussard (6ème escadron) décède à Sainte-Ménehould, dans la Marne, le 20 août 1916 des suites de ses blessures de guerre.
D’autres meurent à l’hôpital :
Jules Gosse, soldat au 85ème régiment d’artillerie lourde (4ème Cie) décède à Dugny dans la Meuse, le 18 mai 1916, « des suites de blessures de guerre » reçues à Saint-Michel-De-Verdun. Situé au sud de Verdun, le Centre hospitalier de Dugny est composé de tentes pour l’hospitalisation des blessés et de plusieurs salles d’opérations installées dans la Maison Navel ou dans des baraquements.
Louis Prempain, soldat au 1er régiment du Génie (5ème Cie, 52ème bataillon) décède à l’hôpital d’évacuation de Prouilly dans la Marne le 20 avril 1917 « des suites de ses blessures ».
Certains sont faits prisonniers :
Jules Prempain est soldat au 274ème régiment d’infanterie (24ème Cie). Alors qu’il participe à la bataille de Verdun, il est fait prisonnier le 29 septembre 1916. Il meurt le 2 juin de l’année suivante suite « aux blessures par éclats d’obus ». Il est inhumé au cimetière des soldats à Longuyon-Sceau de l’hôpital.
La campagne de Cilicie
René Delasalle, soldat du 3ème groupe d’artillerie de campagne d’Afrique, participe à une des batailles oubliées de l’après-guerre : la campagne de Cilicie. En 1918, l’Empire Ottoman, allié de l’Allemagne, a perdu la guerre. Le sultan accepte les conditions de paix notamment une mission française dont le but est de créer une colonie arménienne en Cilicie (surnommée la petite Arménie). Les premiers temps se passent bien, puis, les Turcs relèvent la tête et refusent la présence des troupes françaises sur leur territoire. Dirigés par Mustapha Kemal, ils se soulèvent, les Français trop peu nombreux sont défaits. René est tué le 22 juin 1920 à Brémone en Cilicie (Sud de la Turquie).
En 1915, M. Marchand, de Béneauville, participe à l’expédition des Dardanelles. Cette expédition franco-britannique est entreprise dans le dessein de conquérir les Détroits et obliger la Turquie à sortir de la guerre. Elle échoue devant la résistance de l’armée turque. M. Marchand en revient vivant mais comme la bataille est un échec il n’a jamais été inscrit à l’association des Anciens combattants ni même médaillé.
La Seconde Guerre mondiale
Après le premier conflit mondial, on pensait que la barbarie de la guerre ne reviendrait jamais. Hélas, la crise économique des années trente, la montée des fascismes déclenchent un nouveau conflit.
Cette fois-ci, en plus de voir ses soldats prisonniers et ses jeunes requis pour le Service du Travail Obligatoire, le village souffre physiquement de l’occupation ennemie, des bombardements, des réquisitions, de l’exode et des dégâts causés par sa Libération.
La « drôle de guerre »
Les soldats :
Le 1er septembre 1940, l’Allemagne nazie envahit la Pologne. Quelques jours plus tard, le gouvernement de Daladier décrète la mobilisation générale. Tous les hommes ayant accompli leur service militaire sont appelés. Ils sont 21 à Chicheboville : René Suriray, Jules Magloire, Roger Dujardin, Joseph Tarrago, Georges Tarrago, Léon Carpentier, Maurice Barbey, Maurice Vincent, François d’Andigné, Raymond Macé, André Maximilien, Gaston Lemarinier, Victor Leclerc, Arthur Varin, René Normand, Désiré Macé, Henri Marchand, Stanislas Lemahieu, Léon Delasalle, Edmond Louvel, Michel Henry.
Lors de la débâcle de 1940, dix hommes sont faits prisonniers. Certains sont libérés avant la fin de la guerre. Les autres mobilisés sont renvoyés au village pendant l’été.
Joseph Tarrago, qui a la chance d’avoir une permission en tant qu’infirmier, témoigne :
Je fus capturé à Anné en Belgique et emmené jusqu’à Poznań en Pologne. Arrivé là, j’ai participé à ce que je pensais être la construction d’un lac, souvent par des températures atteignant – 28°. Puis, avec des centaines d’autres prisonniers, je me suis rendu à pied à Later (Hanovre) dans un camp de prisonniers où je fabriquais des accumulateurs et ce jusqu’à la fin de la guerre. Je portais une étoile blanche qui me permettait de circuler dans tout le camp. Les conditions de vie étaient très dures et la nourriture manquait cruellement ; partager devenait obligatoire.
L’arrivée des Allemands
Du fait de la Guerre-éclair et de la progression rapide des Allemands, les habitants de Chicheboville n’ont pas le temps de fuir. Pourtant l’exode est préparé par certains, suite aux rumeurs colportées sur les atrocités commises par l’ennemi. Aucun combat n’a lieu aux alentours de la commune. Seuls quelques soldats isolés se repliant sur Cherbourg font sauter le dépôt d’essence de la gare de Moult. Des personnes habitant Caen et Mondeville viennent se réfugier dans leurs familles, à la campagne. La plupart y restent jusqu’à la fin de la guerre.
Le 23 juin 1940, les troupes allemandes arrivent par la route nationale et traversent Chicheboville. Les jours suivants, ils s’installent dans la commune, logent chez les personnes qui disposent d’une chambre libre. La population a peur et fait très attention. Peu de jours après leur arrivée, le maire et un sous-officier visitent les maisons et réquisitionnent les fusils. Plus tard, ce seront les postes de radio. Cependant certains, comme M. Romain, prennent bien soin de cacher leurs armes après les avoir graissées puis roulées dans des linges.
L’année 1940 symbolise la défaite française et le début de l’ordre allemand. Elle apparaît comme une phase de transition : une période paisible avant le commencement d’une terrible occupation.
La vie continue malgré l’Occupation
Travailler
Chicheboville est une commune située en zone rurale et la majorité de ses habitants travaillent dans l’agriculture. Les autres se répartissent entre la tuilerie de Beauvais, située au Fresne d’Argences, la gare avec une douzaine de cheminots et la Société Métallurgique de Normandie (S.M.N.). Une annexe de la scierie Anjou (rue des Croisiers à Caen), dirigée alors par les Allemands, se monte dans les bois de Secqueville et fonctionne jusqu’en 1943. Elle abat les arbres environnant le village pour produire du charbon de bois et contribue donc à la déforestation de la commune. Du printemps 1943 au printemps 1944, l’entreprise Lapuza fait extraire de la tourbe dans les marais de Vimont pour l’usine à gaz de Dives-sur-Mer.
La loi du 16 février 1943 instaure le Service du Travail Obligatoire ou S.T.O. Des milliers de travailleurs français sont réquisitionnés et transférés contre leur gré en Allemagne pour participer à l’effort de guerre allemand. Plusieurs chichebovillais sont requis.
Gaston Leclerc, requis du STO, pense que sa réquisition est due au fait qu’il est un ancien gréviste de 1936. Il travaille à Essen, en Rhénanie, dans une usine de fabrication de poudre pour munitions et revient une seule fois en permission. Pendant ce temps, en Allemagne, un homme : Robert Poulain d’Argences, se tient garant pour lui. S’il ne revient pas, l’otage est fusillé. A Paris, un résistant l’aborde et l’incite à ne pas repartir mais il refuse. En Allemagne, les conditions de vie sont difficiles, il rentre en France après la débâcle de l’armée allemande. La plupart des requis ne reviennent qu’en 1945.
De nombreux jeunes refusent ce système, ce sont les réfractaires. Ainsi, Pierre Lemoine entre dans la clandestinité, il décide de rester en France et se cache dans le Pays d’Auge. M. Guillerme, parti six mois en Allemagne, décide, lors d’une permission, de ne pas repartir et vit dans la semi-clandestinité. Il semble que les gendarmes favorisent certains requis.
Se nourrir devient une priorité
Des cartes de rationnement sont instaurées pour la nourriture, les vêtements… Comme la majorité des villages de campagne, Chicheboville ne souffre pas trop de la pénurie. Certains aliments : viande et matières grasses, manquent plus que d’autres et de la farine est moulue clandestinement. Une fois par mois, les cartes sont distribuées gratuitement à la mairie. Plus on a d’enfants et plus ils sont jeunes, plus les points sont nombreux. Ensuite, on se rend à l’épicerie avec les tickets.
Les habitants sont solidaires et certains agriculteurs plantent un rang de pomme de terre pour chaque famille. Certaines personnes viennent de Caen à vélo pour faire le tour des fermes et se ravitailler. M. Catel se souvient de la pénurie : « Les temps étaient durs. Mon père posait des pièges, des collets, même les brochets du Sémillon qui se chauffaient au soleil devaient le craindre. On était content quand il y en avait un de pris. C’était le temps des pots-au-feu de corbeaux ou des merles rôtis au four».
Le jeudi après-midi, lors de la moisson, les enfants peuvent glaner blé et orge dans les champs. Ils vont aussi cueillir des champignons, des fraises et ramasser du bois pour chauffer la maison. Les écoliers sont réquisitionnés pour ramasser les doryphores car les insecticides n’existent pas. On leur attribue chacun un rang de pommes de terre et une boîte de conserve pendue au cou par une ficelle. Ils ramassent insectes, larves et œufs. En fin de journée on brûle le résultat de la collecte. Cela dégage une odeur infecte.
Les réquisitions sont nombreuses : armes, terrains… Le 31 mars 1944, 30 postes TSF, réquisitionnés, sont déposés à la mairie.
Où habitent nos concitoyens en 1944 ?
Les deux plans ont été réalisés avec l’aide de plusieurs Chichebovillais, ils comportent surement des erreurs mais cette version est celle qui a rencontré le plus large consensus.
Les Allemands
L’armée d’occupation est constituée, en partie, de pères de famille et de quelques vétérans du premier conflit qui détestent la guerre. Tous les témoignages concordent pour dire que les Allemands sont corrects et que jamais ils n’usent de violence. Ils respectent beaucoup les familles nombreuses. L’officier Spiegel, responsable de la Kommandantur de la gare de Moult-Argences, est apprécié de la population des environs grâce à ses actes de bienveillance. Il laisse quelquefois les ouvriers qui travaillent à la gare emporter un seau de charbon chez eux.
Les Allemands sont présents dans le village du 23 juin 1940 au mois de juin 1941, ils logent chez l’habitant. Cependant, leur présence est permanente à la Kommandantur de Moult-Argences. Seules quelques patrouilles viennent inspecter le village. Ils font leur retour, accompagnés de la cavalerie, en septembre 1943 et ce jusqu’à la Libération. Les gradés logent chez ceux qui ont une chambre libre. La Kommandantur s’impose chez M. Clément et au château Augustin-Normand. Des campements s’installent près des marais. Le château de la famille d’Andigné est réquisitionné afin de servir d’hôpital de campagne.
Les Allemands installent leur cantine dans la ferme de la famille Theunynck et ils engagent des femmes du village comme serveuses ou cuisinières. Quelquefois, les enfants vont mendier de la nourriture que les soldats partagent volontiers.
L’occupant dispose d’un aumônier qui célèbre l’office à des heures différentes de celles de la paroisse. Les Allemands s’installent avec leur propre administration, leur propre service de ravitaillement.
Les soldats vont toujours par deux car un seul pourrait parler et se lier d’amitié ce qui leur est interdit. Lors des périodes d’occupation du village, les troupes sont renouvelées tous les trois mois. Les rapports restent bons et sans violence mais il ne faut pas oublier que la population vit sous la contrainte et qu’elle nourrit toujours un certain ressentiment vis-à-vis de l’occupant.
Pour chaque réquisition, les habitants ont un reçu. Les Allemands exigent d’abord du bétail : bœufs et vaches sont expédiés en Allemagne ou utilisés sur place, les abats sont distribués à la population en fonction du nombre d’enfants. Puis, ce sont les chevaux, le blé, le beurre et les pommes de terre. Les agriculteurs sont les premiers touchés et doivent déclarer tout ce qu’ils possèdent. Chez les particuliers, les soldats prennent une poule ou un lapin de temps à autre.
Après le déraillement de 1942 et jusqu’au Débarquement, les voies ferrées sont gardées la nuit par des hommes désignés à tour de rôle. Pour éviter que les avions alliés ne repèrent le village, le couvre-feu est instauré à partir de 22h. Aucune lueur ne doit passer par les fenêtres. Les fusils sont réquisitionnés dès 1940 et la chasse interdite, mais les collets existent toujours.
Quelquefois, l’école est occupée pour les cours d’instruction militaire et les cours de français aux soldats ; ceci au grand bonheur des enfants. Les déplacements sont interdits. Pour entrer ou sortir de la commune, il faut un laissez-passer. Le seul moyen de transport est la bicyclette, l’essence disparaît dès 1941 ou est réservée aux Allemands. Durant l’hiver 1943, les fermiers doivent sortir leurs bêtes de l’étable pour y mettre les chevaux de la cavalerie allemande. A partir de 1943, la présence allemande devient beaucoup plus difficile à supporter.
Au début de l’année 1944, des prisonniers russes arrivent à Chicheboville. Ils restent deux semaines et sont chargés de planter des « asperges à Rommel » : tronc de pins devant éventrer les engins de débarquement et contrer le largage de troupes aéroportées. Ils sont de type mongol et ils marquent les mémoires car c’est la première fois qu’on apercevait des personnes au caractère physique si différent du type européen. Les Allemands les traitent comme des bêtes, les nourrissent à peine ou alors leur donnent les pommes de terre que les agriculteurs jettent, le tout servi dans des mangeoires à bestiaux.
Le Débarquement
Les Préparatifs
A partir de 1944, les avions anglais survolent la commune et font du repérage. Quelquefois, ils descendent rapidement, bombardent quelques lieux comme la Hogue ou les bois de Secqueville puis ils remontent très vite.
La défense anti-aérienne allemande installe alors, en haut de la côte de Chicheboville, une batterie aérienne 8.8 flak qui fait feu sur les avions britanniques (1). Un mois avant le Débarquement, l’un d’eux est abattu et s’écrase derrière l’école. Le pilote s’enfuit dans les blés et personne ne sait ce qu’il est devenu. Une autre batterie est cachée dans une vieille grange située dans le virage de la rue de l’église, côté plaine (2). Une troisième dans la première haie au-dessus de la ferme Theunynck (3). Une quatrième qui n’a pas tiré dans la pièce des Mille Perches (4). Une cinquième, constituée de plusieurs canons, est dissimulée sous l’avenue du parc, à l’arrière du château de Béneauville (5). Une sixième en haut de la côte de Béneauville (6). Un canon, braqué vers Cagny, est situé dans le parc du château de Chicheboville (7). Une pièce d’artillerie est dissimulée sur la pente du coteau longeant le chemin du Roi à limite entre Béneauville et Moult (8). Lors des attaques alliées, le ciel se remplit de traits lumineux, de fumées blanches ; les éclats de bombe retombent en émettant un son strident comme celui des sirènes. A Navarre, chez la famille Lermat, les Allemands creusent de grands trous dans le parc pour y camoufler des chars (9).
Les bombardements deviennent de plus en plus fréquents et les habitants décident de construire des abris. Ce sont de larges tranchées recouvertes de perches de bois, de branchages et de terre, chacun pouvant contenir jusqu’à une quinzaine de personnes.
Les Allemands deviennent de plus en plus nerveux. La veille du Débarquement, des espions anglais sont aperçus. Deux hommes portant uniformes de la Wehrmacht se rendent dans la ferme de Désiré Macé pour lui demander, avec un fort accent anglais, où se trouvent les campements allemands. Le soir même, le fait est rapporté à l’occupant qui décide de changer l’artillerie de place.
L’intensité et l’apparition soudaine des bombardements surprennent tout le monde. Peu ont le temps de se construire un abri.
Le jour J
Le six juin, au petit matin, tout le monde dort. Soudain, des grondements, plus importants qu’à l’habitude, se font entendre. Les habitants sortent de chez eux et aperçoivent en direction de Caen un ciel rouge malgré l’obscurité. Les Allemands sont affolés et courent dans tous les sens. Ils ne savent pas très bien ce qui se passe. Furieux, mais aussi confiants, ils déclarent à certains qu’ils vont vite remettre les Anglais à la mer. Parmi la population se mêlent des sentiments de crainte et d’espoir. Chacun reste cloîtré par peur des bombardements et des Allemands. On imagine les Anglais à cent mètres du village mais cette attente fiévreuse de libération est vite déçue. Les alliés mettront un mois et demi avant d’arriver à Chicheboville. Un soir, un camion allemand traverse le village transportant des parachutistes alliés capturés, reconnaissables à leur béret rouge.
Les habitants vivent dans la peur, plus les alliés se rapprochent, plus le climat devient insupportable. Des divisions blindées, notamment la 1ère division SS Panzer (PZ), traversent le village en direction de Caen. C’est la première fois que les SS se trouvent à Chicheboville, ce sont des hommes jeunes. Ils s’installent au château de Béneauville transformé en hôpital militaire.
La salle à manger se transforme en bloc opératoire, la cuisine en pharmacie. Après deux semaines d’occupation du château, le propriétaire, M. d’Andigné, maire de la commune, est mis à la porte. Les habitants aperçoivent des camions venant de Caen ou de la côte, qui se rendent au château, chargés de corps entassés et de blessés. Les Allemands enterrent leurs morts dans le parc du château et avant l’évacuation on compte déjà une centaine de tombes. L’hôpital accueille aussi des civils, majoritairement des enfants. Marcel Gibert se souvient : « La pelouse était couverte de blessés. Je me souviens d’un jeune Allemand. Pour qu’il ne perde pas ses entrailles, une sangle lui passait sous les genoux et au cou. Je ne sais pas s’il s’en est tiré. Il y avait aussi des civils ».
A cause des bombardements alliés, on opère quelquefois sans électricité, à la lueur des bougies. Les hommes donnent leur sang et obtiennent en échange des boîtes de nourriture en conserve, la plupart du temps de la confiture de sureau.
Début juillet, les Allemands réquisitionnent des hommes pour creuser des trous sur le bord des routes, afin que ceux-ci servent de refuge d’urgence en cas de bombardement. La nuit, les habitants dorment dans leur abri car les maisons deviennent la cible des bombardiers. On vit sur les réserves. Les bêtes de la ferme Van Der Stichèle sont tuées pour nourrir la population. Les bœufs de Raymond Macé, qui se trouvent à proximité du château de Béneauville, sont abattus clandestinement la nuit, un à un, pour nourrir les blessés de l’hôpital.
Le 16 juillet, comme une sorte d’avertissement, un obus tombe dans les marais. Il blesse M. Grienberger à la nuque, il décède à Giel dans les jours suivants.
L’opération « Goodwood »
Du 18 au 20 juillet, les troupes anglaises de Montgomery lancent l’opération Goodwood qui vise à dégager Caen, en réalisant une percée à l’est de la ville par une attaque massive de blindés. Les avions alliés bombardent les tanks qui montent vers Caen et Conteville. Goodwood oppose quatre divisions d’élites britanniques dont trois blindées à la 21ème PZ allemande dont le PC est au château de Vimont. Les Alliés avancent mais, dans le secteur de Chicheboville, ils sont face à la 1e PZ SS «Leibstandarte Adolf Hitler ».
L’opération devient une des plus grandes batailles de chars qui suit le Débarquement. Le 19 juillet, les Allemands reculent et les combats se déplacent dans les bois de Secqueville, à moins d’un kilomètre du village. Des soldats allemands isolés refluent sur Chicheboville en délirant, en pleurant, les vêtements en lambeaux. Certains s’adressent aux habitants : « Merde la guerre », « compagnons tous kaput ». Les bombardements s’intensifient et font trois victimes de la même famille : Jeanne Pensibis (tuée par un éclat d’obus) âgée de 9 ans, Jean et Louis Pensibis. Le même jour, M. Decrok meurt dans son abri, lui aussi touché par un éclat. Ces décès donnent le signal du départ et les Allemands décident l’évacuation de la population pour l’après-midi même.
Le 18 juillet, au petit matin, 2000 bombardiers Lancaster, Halifax, B-17 et B-24 bombardent les unités terrestres du sud-est de Caen. Plus de 250 000 obus sont tirés. Le 19 juillet, près de Frénouville,
les hommes de la 7e Division de Blindés britannique engagent le combat contre la 12e PZ SS.
A la fin du mois de juillet, l’opération Totalize est lancée par les forces armées britanniques, canadiennes et polonaises le long de la route de Caen à Falaise pour briser le front allemand. Du 15 au 17 août, le 7e bataillon « The Duke of Wellington » de la 147ème brigade, 49ème division d’infanterie britannique programme une attaque au sud-est d’une ligne Vimont-Moult. Le 15 août, les Anglais du 4th bataillon Lincolnshire libèrent Chicheboville. Les Allemands se replient vers les marais mais, avant leur départ, détruisent les maisons se situant aux angles des chemins y conduisant.
(plaque visible à la mairie déléguée de Chicheboville)
L’exode
L’évacuation
L’évacuation se fait dans la panique, sans ordres, les obus tombant un peu partout. Les agriculteurs lâchent leur bétail car on ne doit emporter que le strict nécessaire. Certaines familles se retrouvent dans un convoi dirigé par des Allemands et logent dans des centres de ravitaillement. Les habitants aperçoivent le long de la route des chars brûlés, renversés, des prisonniers anglais, des avions écrasés. Quelqu’un décide d’enterrer un aviateur dont l’avion s’est écrasé. Les Allemands protestent et insultent ceux qui participent à la cérémonie funéraire. Sur la route, des tracts, des journaux et même des Marks sont éparpillés sur le sol. Chacun se débrouille comme il peut. On quémande dans les fermes. Les itinéraires sont différents, les points d’arrivée aussi : Etrechy-Bourges, Saint-Pierre-des-Ifs, Livarot, Notre-Dame-de-Livet, Compagnac, Renouard, Limoges…Orne, Loir-et-Cher même Haute-Vienne. Sur place, on survit grâce aux petits boulots journaliers.
Irène Theunynck témoigne :
Comme tout le monde, nous sommes partis le 19 juillet. Un de mes frères est mort ce jour-là dans un abri, un éclat l’a touché à la carotide c’est pour ça que je me souviens de la date exacte. Ce matin-là, assez tôt, il y a eu un gros bombardement, plus [important] que les autres. Tous les carreaux de la maison se sont brisés. Les portes ont été cassées par la déflagration, on aurait dû les laisser ouvertes. Nous avons eu trois ou quatre obus moyens dans la maison. Les Allemands ont donné l’ordre de partir.
Nous avions deux chariots pour nos affaires et un troisième pour transporter des civils : les Niard et les Boulin. J’ai décidé d’emmener mes quatre vaches car, comme ça, j’aurais toujours du lait pour les gamins. Il fallait suivre le trajet officiel sur Maizières. Le soir, nous avons tué un cochon. Un jour, près de Livarot, on passe devant une ferme ; il pleuvait, c’était l’orage. Nous avons un peu forcé la maîtresse de maison, qui était seule, à nous accueillir. Le lendemain, son neveu est revenu et il a dit qu’on pouvait rester. Nous sommes restés un mois. On couchait dans un grenier à foin et nous avions des papiers officiels pour toucher quelque chose et nous nourrir.
Quelques familles refusent de partir. Henri Riquet a connu les bombardements durant la Première Guerre mondiale, il veut partir mais son fils aîné, Alphonse, refuse. Toute la famille se réfugie sous une bâche dans le marais. Elle ne reste là qu’une journée car ce lieu est pilonné à son tour. Finalement, tout le monde doit fuir, en urgence, à pied et sans bagages, abandonnant sur place leurs quelques vaches.
Trois autres familles : Lemoine, Catherine et celle de Jules Riquet décident de se cacher dans le gabion que M. Lemoine possède dans les marais, derrière sa maison, vers Bellengreville. Du 19 juillet jusqu’à la fin du mois d’août, elles restent littéralement terrées dans des conditions difficiles : chaleur, moustiques, bruits infernaux des combats. Dès qu’il le peut, Pierre Lemoine traverse les marais, visite sa demeure et surveille les alentours. Un jour, il rencontre des soldats anglais qui le questionnent, le prenant pour un espion. Pour les mettre en confiance, Pierre les emmène au grenier de sa maison d’où, depuis quelques jours, il a repéré des soldats allemands dans le bois dit « du Mesnil », derrière le château de la famille d’Andigné. Un petit groupe de fuyards s’est terré là et attend. Après observation, l’officier britannique commande par radio un tir d’artillerie qui « arrose » les Allemands mais celui-ci est éparpillé et atteint la maison Gesland près du calvaire et la ferme Macé. Finalement, les Anglais évacuent les familles sur Bayeux.
La disparition
Trois personnes décident de revenir au village, officiellement pour constater l’état de leur maison : Arthur Dujardin, Léon Lenable et l’abbé André Dufay. On ne les reverra jamais et le mystère de leur disparition n’a jamais été élucidé. En 1942, André Dufay a succédé à l’abbé Léonard. C’est un curé plutôt progressiste, jeune et qui s’emporte contre ceux qui « traficotent » avec les Allemands. Il se lie d’amitié avec Arthur Dujardin, de tendance socialiste, et un horsain Léon Lenable, un patriote arrivé au village en 1942.
Il est maintenant certain que les trois hommes se sont ralliés à un groupe de résistance sans que l’on sache lequel : le Dr Derrien à Argences ? Le groupe de Léonard Gille à Frénouville ? Rien n’a été prouvé. Le 19 juillet, les deux familles et l’homme d’église passent, comme tant d’autres, le passage à niveau de la garde de Moult-Argences fuyant les combats. Le soir même, les trois hommes décident de revenir à Chicheboville. Pour y faire quoi ? Personne ne le sait. Ils sont arrêtés par les Allemands et interrogés un jour et une nuit puis libérés. Ils sont ramenés à Saint-Pierre-des-Ifs où se trouve Mme Lenable.
Mais, le 20 juillet au soir, un groupe SS revient les chercher sans motif annoncé. On les fait monter dans un camion bâché : quels éléments a-t-on retrouvés entre temps contre eux ? L’abbé Dufay a juste le temps de remettre à Mme Lenable un rouleau de pièces d’or. Celle-ci embrasse son mari au pied du camion. Elle ne le reverra jamais, pas plus que ses compagnons.
Après la guerre, leurs familles chercheront leurs corps dans plusieurs charniers notamment celui de Saint-Pierre-du Joncquet sans pouvoir les identifier. Plusieurs années après, la veuve Lenable recueille le témoignage écrit d’un prisonnier de Chicheboville, André Maximilien, qui affirme avoir vu son mari dans un camp de concentration à Radom en Pologne. Qui croire ? Et que penser des paroles d’un officier britannique basé au presbytère de Chicheboville qui affirme, en août 1944, que « le pasteur est mort ». Depuis, leurs noms sont cités lors des cérémonies commémoratives consacrées aux disparus.
Le retour
La famille Arruego est une des premières à revenir au village. Leur exode s’est arrêté à Saint-Pierre-des-Ifs, près de Lisieux. D’abord logés dans une ferme, ils doivent, devant l’avancée des Allemands, se cacher et vivre presque une semaine dans une tranchée. Un matin, l’aîné des fils : Pedro, s’enhardit et sort de la cachette. Il rencontre alors les premiers britanniques et il assiste à la reddition d’un groupe d’Allemands. Avec son jeune frère José, il décide de repartir à Chicheboville où se trouvent déjà les soldats anglais. A partir de la fin du mois d’août, les familles reviennent petit à petit, certaines, comme celle de Christian Niard, ne rentrent que l’année suivante, en 1945.
Les Anglais, accueillis en libérateurs, occupent le village jusqu’à la fin du mois d’août. Ils s’installent au château de Béneauville. La population découvre aussi les destructions, les trous dans les maisons, la trace du passage de pillards. Toutes les maisons portent les traces des bombardements et des tirs d’artillerie : éclats d’obus, trous dans les murs, toitures éventrées, tuiles cassées, 68 familles sont déclarées sinistrées partielles. Les logements ont été fouillés de fond en comble, des meubles sont retrouvés à plusieurs kilomètres, beaucoup ne sont jamais récupérés. Portes, fenêtres, meubles, papiers, nourriture, beaucoup de choses manquent. Il n’y a plus d’électricité, presque plus de vitres.
A son retour, fin décembre 1944, dans sa cuisine, Jules Riquet découvre un abri d’environ 2 m sur 1m50, creusé sous la table. La chambre qui donne sur la rue principale ressemble à une forteresse avec des sacs de sable entassés ; les soldats ont ouvert deux créneaux dans le mur pour tirer sur la route.
Irène Theunynck se souvient du retour :
Dans la maison, tout était cassé mais les bâtiments avaient tenu. Dans la salle, j’ai trouvé un trou avec du sang dedans. Peut-être quelqu’un a-t-il été tué là ? Mais le trou n’était pas très profond. Tout était fouillé, volé. Mon fourneau était devant la fenêtre, comme si on avait voulu l’embarquer mais, il était trop lourd et donc ils ne l’ont pas pris. Je pouvais donc faire à manger. Un jour, un soldat anglais est venu. Il voulait parler, je ne comprenais rien. J’avais les gamins dans les bras, il a vu que j’avais peur et il est parti.
Dans les marais, on retrouve des cadavres de soldats allemands ou anglais morts de leurs blessures. Il y a deux cimetières militaires à Chicheboville. On compte 120 tombes allemandes dans le parc du château de Béneauville et une quinzaine au lieu-dit « Le vignoble » près de l’église de Chicheboville, toutes nationalités confondues. Ces sépultures ne sont relevées qu’en 1949.
Comme pour l’église de Moult, celle de Chicheboville se situe dans un creux. C’est peut-être pour cette raison qu’elles sont épargnées par les bombardements alliés alors que les églises de Cagny, Argences, Vimont, Airan et Bellengreville sont systématiquement détruites.
Le retour des réfugiés est entaché par la mort de Paul Canu tué, le 30 août 1944, en ouvrant sa porte piégée par une grenade. En 1945, tous les prisonniers rentrent au village..
Quelques mois plus tard, des équipes de déblaiement sont mises en place ; certains habitants, comme Joseph Tarrago, en font partie. Toutes les pierres récupérables sont entassées au bord des routes. Dans les fermes, certains agriculteurs embauchent des prisonniers allemands du camp de Fleury-sur-Orne. Les personnes sans logement doivent vivre dans des baraquements. Les problèmes de ravitaillement durent jusqu’en 1947. Il faut, en urgence, reloger les sinistrés, essayer de couvrir les maisons avec du papier goudronné, obturer les fenêtres qui ne possèdent plus beaucoup de vitres. Le plus grave reste la présence de mines qui ne permettent plus de circuler en sécurité. Les travaux de reconstruction pour les particuliers ne commencent réellement qu’au début des années cinquante par l’entreprise Guerra de Paris.
Le 8 mai 1945, c’est officiellement la fin de la guerre. Raymond Queudeville et son père sonnent longuement les cloches pour commémorer la capitulation de l’Allemagne.